Le monde va mal, mais l’Afrique, elle, va particulièrement mal. Le Mali ne fait pas exception, au contraire, il en est l’un des tristes symboles. Chaque jour, nous assistons, impuissants ou complices, à une descente aux enfers culturelle, éducative, morale et spirituelle.
Ce mal profond, cette lente agonie sociale, est amplifiée par ceux-là mêmes qui devraient jouer un rôle d’éveil et de construction : les chaînes web, les médias privés, les réseaux sociaux. Ce qui aurait pu être un outil de développement est devenu un accélérateur de décadence.
Identité effacée, valeurs inversées
La quête effrénée de l’argent et de la célébrité domine tout. Peu importe le message, peu importe l’impact, pourvu que ça fasse du buzz. L’indéfendable est désormais défendu, au nom de la liberté d’expression, de la modernité ou de l’ouverture d’esprit. Comme si la pudeur, la bonne éducation, le respect, étaient devenus honteux.
Le renversement des valeurs est total. Un peuple sans repères dérive. Et nous y sommes. On célèbre des comportements indécents, on invite des « influenceurs » vides de contenu, on banalise des propos dangereux, choquants, sexistes ou haineux et cela, sur les plateaux les plus suivis.
Il faut le dire avec clarté : « Peu importe la durée d’un tronc d’arbre dans l’eau, il ne deviendra jamais un caïman. »
Les Africains resteront des Africains. Les Maliens ne seront jamais des Occidentaux, ni des Arabes. Et ce n’est pas une honte. Ce qui est honteux, c’est cette perte d’identité, cette imitation mal assumée, cette confusion totale des valeurs.
L’éducation a failli. Les parents ont démissionné. L’État s’est effacé. Résultat : une jeunesse perdue, sans repères, en quête de faux modèles. Chaque semaine, nous sommes « choqués » par des propos inacceptables… mais les sanctions judiciaires, elles, ne suivent pas.
D’un côté, des illuminés prétendant parler aux djinns ou aux esprits, et qui captivent les plus désespérés. De l’autre, des religieux fanatiques, éloignés de toute vérité, mais capables de galvaniser les plus fragiles. Et au centre, une télévision dévoyée, où l’on confie des micros à des incompétents aux capacités de nuisance effrayantes.
L’absence de régulation, de contrôle et de responsabilité a transformé l’espace public en champ de ruines.
Il est temps de dire stop
Dernière preuve en date : cette discussion, insupportable et terrifiante, où l’on a osé affirmer que le viol serait la conséquence du comportement ou de l’habillement de la femme. Comment un tel raisonnement peut-il exister dans l’esprit d’un être humain sensé ? Et pire, comment ce discours peut-il être tenu à trois, sur un plateau, sans que personne ne soit choqué ?
Le viol n’a rien à voir avec l’habillement. Il est le résultat d’un manque d’éducation, de conscience, de valeurs humaines. Ce fléau frappe partout, même dans les pays dits avancés. Il est temps d’arrêter les raccourcis, les excuses, et de redonner du sens aux mots, aux principes, à la justice.
Le Mali court à sa perte si nous continuons à tout tolérer au nom de la modernité ou du divertissement. Il est temps de recadrer. De dire stop et d’imposer des limites. Car un pays sans limites devient incontrôlable. Et nous n’avons plus le luxe d’attendre.
Manda CISSE