« Que plus personne ne nous parle de la Cedeao »: des milliers de personnes ont manifesté mardi au Niger, au Burkina Faso et au Mali, pour soutenir le retrait de leurs pays de l’organisation ouest-africaine, qui devient effectif mercredi.
Ces trois pays sahéliens font de leur souveraineté nationale une priorité et ont notamment tourné le dos à l’ex-puissance coloniale française.
Ils ont formé leur propre confédération, l’Alliance des États du Sahel (AES) et annoncé il y a un an vouloir quitter la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (Cedeao), qu’ils estiment inféodée à Paris.
A Niamey, plusieurs milliers de manifestants, avec en tête des membres du régime militaire, ont défilé dans le centre-ville.
Ils ont scandé des slogans hostiles au président français Emmanuel Macron mais aussi à certains chefs d’État de la région avec lesquels le Niger entretient des relations tendues, comme le Bénin, le Nigeria ou la Côte d’Ivoire.
« À bas la Cedeao », « Vive l’AES », « Laissez-nous gérer notre pays », ornaient les pancartes brandies par les manifestants. Les drapeaux des trois pays sahéliens et celui de la Russie, devenu un partenaire-clé des États de l’AES, flottaient au vent.
Sur le grand podium mis en place pour l’occasion, des acrobates et des stars locales de la musique se sont succédé, sur fond de vuvuzelas assourdissants.
Le Niger est particulièrement remonté contre l’organisation ouest-africaine qui avait menacé d’intervenir militairement après le coup d’État de juillet 2023 ayant renversé le président élu Mohamed Bazoum.
« C’est pour réaffirmer notre départ définitif et irréversible de cette organisation qui est contre le peuple », a affirmé à l’AFP Falmata Taya, l’une des organisatrices de la manifestation, arborant une robe à l’effigie du chef de la junte nigérienne, le général Abdourahamane Tiani.
« Aujourd’hui 28 janvier 2025, c’est terminé, que plus personne ne nous parle de la Cedeao », a ajouté pour sa part le colonel Ibro Amadou Bacharou, chef d’Etat-major particulier de M. Tiani.
Des manifestations ont également eu lieu à l’intérieur du pays, selon la télévision d’État nigérienne.
– « Pas besoin de tuteur » –
A Ouagadougou, même constat: plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés à la place de la Nation, dont le Premier ministre Rimtalba Jean-Emmanuel Ouédraogo et des membres du gouvernement.
« La Cedeao est l’une des cordes de notre asservissement qui a été coupée », a déclaré le chef du gouvernement.
« On n’a pas besoin de tuteur. Ceux qui sont dans la Cedeao sont toujours sous tutelle », renchérit Omar Michel Kopiah, président de Burkina Rempart, une organisation de la société civile soutenant la junte.
À Tenkodogo (centre-est) les manifestants ont simulé un corps recouvert du drapeau de la Cedeao et de celui de la France pour marquer « la mort des relations diplomatiques inutiles et paternalistes. »
Enfin, au Mali, un rassemblement se tenait dans l’après-midi, à Kurukanfuga, près de Bamako, un lieu emblématique du patrimoine du pays.
« La Cedeao a tourné le dos aux idéaux de ses pères fondateurs et au panafricanisme », a déclaré à la tribune l’un des organisateurs, Samou Samuel Koné, ajoutant que l’organisation était devenue « une entrave au développement de ses États membres ».
Les manifestations de soutien aux autorités sont fréquentes au sein des pays de l’AES, où les voix critiques sont régulièrement étouffées par les régimes au nom de la lutte contre la déstabilisation de leurs pouvoirs.
Le 29 janvier 2024, au lendemain de leur annonce, les trois pays avaient formellement notifié à la Cedeao leur volonté de retrait « immédiat ».
Les textes de l’organisation ouest-africaine imposent cependant un délai d’un an pour qu’il soit effectif. Après l’échec de tentatives de médiation, il entrera en vigueur mercredi.
Certains membres de la Cedeao comme le Togo et le Ghana ont récemment adopté une position plus souple envers les pays de l’AES.
Ces derniers vont émettre dès mercredi leur propre passeport commun, sans remettre en cause dans l’immédiat la libre circulation dans la région.
Ils ont également annoncé la constitution prochaine d’une armée unifiée de 5.000 hommes pour combattre les jihadistes.
Avec AFP