Madagascar face à un pouvoir fantôme

Le président déchu malgache Andry Rajoelina. © Présidence malgache

Depuis le 25 septembre, Madagascar est secoué par une vague de colère populaire d’une rare intensité. Dans les rues d’Antananarivo et d’ailleurs, les cris résonnent pour l’électricité, pour l’eau, pour la dignité. Un mot est sur toutes les lèvres : démission.

Le président Andry Rajoelina, pourtant élu pour incarner l’autorité et la stabilité, a quitté le pays, affirmant redouter pour sa vie. Mais, dans un tour de force politique, il annonce qu’il ne démissionne pas. Depuis l’étranger, via une vidéo aussi trouble que son positionnement, il appelle au dialogue tout en refusant de se remettre en question. Peut-on encore parler de gouvernance lorsqu’un chef d’État gouverne sans être là, sans rendre de comptes, sans affronter les réalités du terrain ?

Un président sans mandat moral

La situation soulève une question fondamentale : qu’est-ce qu’un président qui n’exerce plus son mandat ? Dans n’importe quelle profession, un abandon de poste mène au licenciement. Pourquoi devrait-il en être autrement lorsqu’il s’agit de la plus haute fonction de l’État ? Le terme « abandon de poste » n’est pas qu’administratif ici, il est politique et éthique.

Le contraste est saisissant, pendant que le président fuit, le peuple tient bon. Et surtout, il se réveille. Des étudiants, des travailleurs, des parents, des jeunes générations, tous réclament justice, responsabilité, et changement.

L’armée face à un dilemme de conscience

Autrefois bras armé du pouvoir, l’armée malgache se fracture. Certaines unités, à l’image du CAPSAT (Corps d’Armée des Personnels et des Services Administratifs et Techniques), refusent désormais d’obéir aux ordres visant à réprimer les manifestations. Un refus de tirer sur leur propre peuple qui, en soi, marque une rupture historique. Ce n’est plus seulement la rue qui conteste, c’est une partie même de l’appareil d’État.

Cela révèle une vérité simple mais brutale, à savoir que le pouvoir ne tient plus que par réflexe, non par légitimité. Il se maintient comme une ombre portée, détachée de la réalité du terrain.

Une misère devenue institutionnelle

La souffrance du peuple malgache, elle, ne se cache plus. En 2025, dans un pays riche en ressources, l’accès à l’eau potable, à l’électricité, aux soins de base reste un luxe inaccessible. Les hôpitaux croulent, les services publics s’effondrent, et l’élite, indifférente, continue de festoyer sous les ors d’un système figé.

À cette misère organisée s’ajoute un mépris latent, celui d’une classe dirigeante qui regarde ailleurs pendant que la population s’épuise. Une fracture s’est ouverte et elle ne se refermera pas facilement.

Face à cette inertie, une nouvelle génération se lève, avec une lucidité tranchante et une détermination nouvelle. Elle ne croit plus aux promesses creuses ni aux discours attendus. Elle ne demande pas de faveurs, elle exige ses droits.

Car ce n’est plus simplement un président qui fait défaut. C’est un système qu’il faut repenser.

Manda CISSE

Auteur/Autrice

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