Démocratie en Afrique : Une farce silencieuse à travers le continent

Le président togolais Faure Gnassingbé. © Présidence du Togo

Le 3 mai 2025, Faure Gnassingbé a quitté la présidence de la République togolaise après plus de 20 ans de règne. Mais au lieu de céder le pouvoir, il a été élu président du Conseil des ministres, une fonction sans réelle légitimité démocratique. Le même jour, Jean-Lucien Savi de Tové, un opposant historique de 86 ans, a été élu président de la République par le Parlement. Mais ce poste est désormais honorifique, sans pouvoir réel, laissant Faure Gnassingbé maintenir son emprise sur le pays.

Le Togo, une démocratie en trompe-l’œil

Depuis 2005, Faure Gnassingbé dirige le Togo d’une main de fer. En avril 2024, une nouvelle constitution a été adoptée, modifiant profondément le système politique du pays. Le président n’est plus élu au suffrage universel direct, mais choisi par le Parlement, une manœuvre qui permet à Faure Gnassingbé de prolonger son pouvoir indéfiniment. Les opposants dénoncent un « coup d’État institutionnel » visant à instaurer une monarchie dynastique sous couvert de réformes démocratiques.

L’Afrique, un continent trahi

Cette situation n’est pas isolée. À travers le continent, les élites politiques semblent plus soucieuses de préserver leurs privilèges que de servir leurs peuples. La corruption est endémique, les institutions fragiles, et les droits fondamentaux souvent bafoués. Les jeunes hommes fuient vers l’Europe, risquant leurs vies en mer, tandis que les jeunes femmes sont exploitées dans des pays du Golfe, victimes de réseaux de traite.

Les enfants, eux aussi, sont des victimes directes de cette tragédie. Dans de nombreux pays africains, des millions d’enfants sont privés d’éducation, contraints de travailler dans des conditions inhumaines ou recrutés de force par des groupes armés. L’avenir de ces enfants est sacrifié dans l’indifférence générale, pendant que les régimes au pouvoir préfèrent maintenir leur emprise sur le pouvoir plutôt que d’investir dans le bien-être de leur jeunesse.

L’indifférence de la communauté internationale

Face à cette dérive autoritaire, la communauté internationale reste étrangement silencieuse. Les grandes puissances, notamment la France, continuent de soutenir des régimes autocratiques qui servent leurs intérêts économiques et géopolitiques, au détriment des aspirations démocratiques des peuples africains. Cette attitude hypocrite est insupportable. Elle trahit les idéaux de liberté et de justice que l’Occident prétend défendre.

Le cas des relations franco-africaines est un exemple flagrant de ce double discours. En dépit des violations des droits humains et des dérives politiques dans des pays comme le Tchad, le Cameroun ou la Côte d’Ivoire, la France continue de maintenir des liens stratégiques avec ces régimes. Cette alliance, fondée sur des intérêts économiques, étouffe les efforts démocratiques et prolonge le maintien de ces alliés de circonstance.

Ainsi, en choisissant de fermer les yeux sur ces abus, la communauté internationale renforce un statu quo néfaste pour les populations qui aspirent à la démocratie et aux droits humains. Cette indifférence est une négation de l’idéal de justice auquel elle prétend se conformer.

Le minimum vital comme ultime revendication

Le peuple togolais ne doit pas se résigner. Mais au-delà du cas du Togo, c’est toute l’Afrique qui semble paralysée par une fatigue démocratique, une résignation collective. La vérité crue, douloureuse, c’est que les Africains, dans leur grande majorité, ne croient plus en la démocratie. Nous ne rêvons plus d’institutions justes, de gouvernements transparents ou de transitions pacifiques : nous avons compris que cette utopie ne se réalisera sans doute pas, ou du moins, pas de notre vivant. Peut-être dans cent ans, cent cinquante ans. Mais pas aujourd’hui, pas demain.

Et pourtant, malgré cette perte d’illusion, une demande subsiste, légitime, fondamentale, humaine : que ceux qui ont confisqué le pouvoir et accaparé les institutions, au moins, fassent le minimum vital. Que nos enfants puissent aller à l’école. Que nos malades aient accès aux soins. Que les femmes accouchent sans mourir faute d’hygiène. Que les jeunes ne soient pas condamnés à l’exil ou à la délinquance.

Nous ne réclamons pas des palais ni des privilèges. Nous réclamons le respect de la vie humaine. Et ce combat, aussi modeste soit-il, est déjà un acte de dignité. Les partis d’opposition, les organisations citoyennes, les travailleurs, les femmes, la jeunesse : il est temps de nous unir, non plus pour des slogans creux, mais pour exiger ce qui ne devrait jamais manquer à une nation. Le Togo mérite mieux. L’Afrique mérite mieux. Même si la démocratie n’est qu’un mirage, l’humanité, elle, ne devrait pas l’être.

Manda CISSE

Auteur/Autrice

Également :

Autres articles