Cedeao / Aes : aucune sanction prise à Abuja

65ème session ordinaire de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao. © Ecowas

Abuja 7 juillet 2024, à la cérémonie d’ouverture de la 65ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), prenant la parole, le Président de la Commission de la CEDEAO, le gambien le Dr Oumar Alieu Touray, a cru alerter la conférence. Entre conditionnel et futur hypothétique, il a ainsi fait des déclarations extraordinaires sur le retrait des pays de l’Alliance des États du Sahel. Il a ainsi tenté d’influencer la Conférence avant le huis clos.

Il a ainsi affirmé que « Le retrait des trois pays portera un coup dur à la coopération en matière de sécurité, notamment en termes de partage de renseignements et de participation à la lutte contre le terrorisme dans la sous-région, et d’autres initiatives conjointes de sécurité, telles que la mise en œuvre de la force régionale en attente de la CEDEAO que les ministres de la défense de nos États membres viennent de convenir d’activer. »

La phrase qui a allumé les réseaux sociaux est la suivante : « ce retrait affectera les conditions de voyage et d’immigration des citoyens de ces trois pays, car ils auront désormais à mener des démarches en vue de l’obtention d’un visa avant de voyager dans la sous-région »

Ce qui était une hypothèse dans un discours d’ouverture, c’est-à-dire avant le huis clos a fait le tour de la toile, surtout l’intervention était en français.

Il n’a donc été question ni de visa, ni de carte d’identité, ni de passeport à Abuja même si le Dr Touray a affirmé lors de son discours d’ouverture, parlant des États de l’AES que « les conséquences de leur décision seraient désastreuses pour leurs ressortissants. »

Huis clos et apaisement

Entrés à huis clos les quelques Chefs d’État ont joué la carte de l’apaisement vis-à-vis des populations des Etats de l’Alliance du sahel. Ils ont balayé du revers de la main, les propos bellicistes du fonctionnaire qui n’a pas voix au chapitre. En témoigne la souplesse des termes bien pesés du communiqué final. Un communiqué final qui caresse dans le sens du poil la Confédération qu’elle cite comme «  Communauté » des États du Sahel. En témoigne la désignation comme facilitateur du tout nouveau Président du Sénégal Bassirou Diomaye Diakhar Faye, en collaboration avec S.E. Faure Essozimna Gnassingbé, Président de la République Togolaise.

Appel du pied de la CEDEAO à l’AES

Conscient des difficultés qu’il doit affronter lui qui s’est rendu dans de nombreux pays de la CEDEAO et de l’AES, le président sénégalais a affirmé que « Nous devons tout faire pour éviter le retrait des trois pays frères de la Cedeao. Ce serait le pire des scénarios et une grande blessure au panafricanisme que les pères fondateurs nous ont légué », appelant à « engager les réformes idoines pour adapter la Cedeao aux réalités de son temps ».

Pour qui sonne le glas ?

Contrairement donc aux rumeurs véhiculées sur les réseaux sociaux, lors de leur sommet ordinaire tenu dimanche 7 juillet 2024 à Abuja, au Nigeria, les Chefs d’État de la CEDEAO n’ont adopté aucune décision relative à l’exigence d’un visa obligatoire pour les ressortissants des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) pour circuler dans la sous-région. L’hypothèse ne serait (sic) même plausible à travers l’exigence de visas entre les ressortissants des deux espaces (AES et CEDEAO), qu’en février prochain, à l’expiration du délai d’un an fixé par les textes de la CEDEAO. 

Pied de nez à Niamey à la CEDEAO

A la veille de cette conférence a été créée la Confédération Alliance des États du Sahel à Niamey lors du premier Sommet des Chefs d’État de l’Alliance. A l’ouverture des travaux le Général Abdourahmane Tiani a affirmé que les peuples des trois pays avaient « irrévocablement tourné le dos à la Cedeao », rejetant les appels du bloc à rentrer dans les rangs.

Niamey face à Abuja, le duel des titans commence et les griots glorifieront les haut faits des uns et des autres. Le Colonel Assimi Goita, nouveau président de la Conférence des Chefs d’État de la Confédération États du Sahel a donc du pain sur la planche : coordonner la diplomatie des trois pays pour parler d’une seule voie et initier des actions endogènes pour le bien-être des populations de l’espace. Une mission à la hauteur du Président de la Transition malienne qui doit s’acquitter de cette lourde tâche que lui ont confiée les Présidents Abdourahamane Tiani et Ibrahim Traoré. Les États de l’AES doivent ainsi se séparer de l’image qui leur colle : celle de « l’ordre kaki » du Sahel. Pour renouer avec la refondation des États du Sahel dans leur dignité et leur solidarité.

Le Combat du pot de fer contre le pot de terre

Pour l’avenir, il faudra compter avec les États de l’AES qui ont pris toutes les dispositions pour contrer les difficultés liées à leur retrait de la CEDEAO. Ainsi les Chefs d’État de l’AES, s’agissant de la libre circulation des personnes et des biens, ont instruit les ministres compétents « d’élaborer dans l’urgence, des projets de protocoles additionnels y relatif en vue de  faire face aux implications liées aux retraits des États de l’AES de la CEDEAO ».

Une belle bataille en perspective entre une AES des peuples et une CEDEAO, syndicat des Chefs d’État. En témoigne les absences remarquées lors de la 65ème session ordinaire de la Conférence des présidents de la République de Côte d’Ivoire, de la République du Bénin et du Cap Vert sans compter la Guinée suspendue et les pays de l’AES.
C’est donc une CEDEAO affaiblie qui a demandé la révision de ses textes en matière de bonne gouvernance et de démocratie.

C’est ainsi la bataille du pot de fer (AES) et du pot de terre (CEDEAO) dont l’issue ne fait l’ombre d’aucun doute. L’histoire des Nations et la géopolitique mondiale feront le reste.

La Rédaction 

 

Encadré

Communique final de la 65ème SESSION ORDINAIRE DE LA CONFÉRENCE DES CHEFS D’ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT de la CEDEAO réunie à Abuja ce 7 juillet 2024

 

« En ce qui concerne la situation avec l’Alliance des États du Sahel (AES), la Conférence exprime sa déception face au manque de progrès dans les interactions avec les autorités du Burkina Faso, du Mali et du Niger et instruit le Président de la Commission de faciliter une approche plus vigoureuse conformément aux décisions du Sommet Extraordinaire du 24 février 2024. En outre, la Conférence demande à la Commission d’élaborer un plan d’urgence prospectif à son intention pour faire face à toutes les éventualités dans les relations avec les pays de l’AES, en tenant compte des exigences de l’article 91 du Traité révisé de la CEDEAO de 1993. En outre, la Conférence instruit la Commission de soutenir tous les efforts de médiation en cours en vue de mettre fin aux tensions entre la République du Bénin et la République du Niger.

 

La Conférence désigne S.E. Bassirou Diomaye Diakhar Faye, Président de la République du Sénégal comme Facilitateur de la CEDEAO dans les discussions de la Communauté avec l’AES (Burkina Faso, Mali, Niger), en collaboration avec S.E. Faure Essozimna Gnassingbé, Président de la République Togolaise.

La Conférence se félicite de l’offre de S.E. le Général Umaro Sissoco Embaló, Président de la République de Guinée Bissau, de soutenir les discussions, en particulier avec le Burkina Faso.

 

La Conférence déplore le maintien en détention et la levée de l’immunité de l’ancien Président de la République du Niger, S.E. Mohamed Bazoum, et exige sa libération sans condition. »

 La Conférence

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