Une nouvelle crise secoue le secteur bancaire malien : L’histoire d’une médiocrité systémique

Une nouvelle crise secoue le secteur bancaire malien : L’histoire d'une médiocrité systémique. © DR

Une nouvelle crise secoue le secteur bancaire malien, amplifiée par des accusations graves envers deux cadres d’Ecobank, interpellés et placés sous mandat de dépôt dans une affaire complexe de messages SWIFT. L’affaire semble tirer ses racines dans une plainte déposée par la société Energie du Mali (EDM SA), selon laquelle des garanties bancaires, apparemment authentifiées par Ecobank, ont été utilisées dans une escroquerie qui a causé un préjudice estimé à plusieurs milliards de FCFA.

Pour le Syndicat des agents de banque (SYNABEF), il s’agit d’une situation inacceptable. Les deux banquiers en question, selon le syndicat, ont suivi les procédures et respecté les règlements bancaires en vigueur. C’est ce qui a mené à un sit-in de deux heures, organisé devant toutes les agences bancaires du pays du lundi 10 mars au mercredi 12 mars, réclamant l’arrêt immédiat des transferts de garanties liés à l’EDM SA et aux structures publiques. En réponse à cette crise, le Synabef a convoqué une assemblée générale ce jeudi 13 mars.

« faux et usage de faux » et « blanchiment de capitaux »

Mais au-delà des accusations de « faux et usage de faux » et de « blanchiment de capitaux » qui pèsent sur les cadres bancaires d’Ecobank et d’autres personnes impliquées, la situation prend une tournure plus inquiétante lorsqu’on examine l’ampleur du déclin dans le secteur public et privé au Mali. Cette affaire n’est que la face visible d’un système bien plus dégradé qui affecte à la fois les structures privées et publiques, avec des conséquences désastreuses pour la population malienne.

Désastre institutionnel

Au Mali, nous avons atteint un point de non-retour dans l’indifférence face à l’incompétence généralisée. Le sit-in des salariés d’Ecobank, loin de défendre une cause noble, démontre plutôt l’ampleur du désastre institutionnel dans lequel ce pays est plongé. Une fois de plus, ce pays montre qu’il ne connaît plus la signification des valeurs qui ont fait la grandeur de notre « Maliba ».

Sans avoir accès à l’intégralité des éléments de l’affaire, il semble, de manière raisonnable, que le Pôle judiciaire spécialisé dans les crimes économiques et financiers n’a pas simplement agi sur un coup de tête. Les accusations à l’encontre des cadres d’Ecobank ne sont pas aussi dénuées de fondement que certains voudraient le faire croire. Bien qu’il soit indiscutable qu’Ecobank ait suivi la procédure interne, il existe une différence fondamentale entre respecter les règles internes d’une banque et agir conformément à la loi.

Il est légitime de penser qu’Ecobank a manqué à ses obligations de moyens

En outre, vu l’ampleur des montants en jeu, il est légitime de penser qu’Ecobank a manqué à ses obligations de moyens. Si l’authentification des « garanties » par Ecobank n’avait pas eu lieu, nous n’en serions pas ici à discuter de cette situation tragique. Une fois de plus, un manque flagrant de rigueur dans les pratiques bancaires a conduit à une arnaque dont les conséquences touchent de plein fouet l’économie du pays.

Quintessence de l’incompétence,

L’EDM, quant à elle, n’est pas en reste. Cette entreprise publique semble incarner la quintessence de l’incompétence, avec une gestion défaillante à tous les niveaux. Les employés, du sommet au plus bas de l’échelle, semblent être plus préoccupés par leurs propres intérêts que par la mission de service public qui leur incombe. Ce n’est pas un hasard si EDM est aujourd’hui au cœur de cette crise : elle a démontré, à travers des années de mauvaise gestion, qu’elle n’est qu’un regroupement de comportements problématiques.

En ce qui concerne Ecobank, il est difficile de comprendre comment une institution censée figurer parmi les meilleures banques d’Afrique en arrive à afficher une telle médiocrité. La preuve est dans les détails : des guichets d’accueil inefficaces, des hôtesses qui ne maîtrisent même pas l’utilisation d’un ordinateur, un manque total de confidentialité et de professionnalisme. Ces problèmes ne sont pas isolés ; ils sont le reflet d’un mal plus profond qui gangrène cette institution.

Et que dire du Syndicat des Banques et Assurances (Synabef) ? Plutôt que de se concentrer sur la mise en place de solutions à la hauteur des défis auxquels le secteur est confronté, il préfère défendre l’indéfendable. Au lieu de dénoncer la médiocrité systémique au sein de leur propre institution, les syndicalistes se contentent de soutenir aveuglément deux cadres bancaires, sans se poser de questions sur la façon dont cette situation aurait pu être évitée.

Un système où l’incompétence, la corruption et le manque de professionnalisme sont devenus monnaie courante.

Au Mali, le monde des affaires et de la finance semble être à l’image de la société tout entière : un système où l’incompétence, la corruption et le manque de professionnalisme sont devenus monnaie courante. Une perte de repères qui touche à la fois les valeurs sociales, professionnelles, éthiques et même religieuses. Les sit-ins et les débats futiles qui surgissent à chaque crise ne font qu’accentuer l’indécence d’une situation déjà catastrophique.

Il est grand temps que l’on se pose la question : jusqu’à quand continuerons-nous à tolérer ce genre de dérives ? Quand arrêterons-nous de protéger les voleurs, les incompétents et les corrompus, qu’ils soient dans le secteur privé ou public ? Si les choses continuent ainsi, le Mali deviendra l’exemple parfait d’une dégradation institutionnelle et d’une dérive éthique.

Amichou CAMARA

Auteur/Autrice

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