Sénégal : le Premier ministre Ousmane Sonko dévoile son projet de rupture pour les prochaines années

Sénégal: le Premier ministre Sonko dévoile son projet de rupture pour les prochaines années. © Ministère des affaires étrangères du Sénégal

Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a décliné vendredi son plan de rupture pour les cinq prochaines années, annonçant notamment qu’il entendait mettre fin au principe de non-réciprocité dans la délivrance des visas, dans son discours de politique générale devant les députés.

Il a par ailleurs déclaré qu’il déposerait un projet pour abroger la loi d’amnistie de l’ex-président Macky Sall couvrant les violences politiques qui avaient fait des dizaines de morts entre 2021 et 2024.

Pour la délivrance de visas, « nous engagerons des discussions avec les pays relevant des catégories B et C » parmi lesquels la plupart des pays européens dont la France, ainsi que les Etats-Unis, « afin d’exiger en retour, le visa gratuit pour les ressortissants sénégalais sur la base du principe de la réciprocité ».

Le visa d’entrée au Sénégal, instauré en juillet 2013 pour les voyageurs de tous les pays à l’exception de ceux d’Afrique de l’Ouest ou ayant des accords les en dispensant, avait été supprimé en 2015 pour relancer le secteur du tourisme et alléger les frais de voyages des Sénégalais de la diaspora.

Le Premier ministre a par ailleurs annoncé que son gouvernement proposerait « dans les semaines à venir » un projet revenant sur la loi d’amnistie que l’ex-président Macky Sall avait fait passer avant la présidentielle, permettant la libération de prison de centaines de personnes écrouées, dont MM. Faye et Sonko.

Si elle est votée, cette abrogation pourrait ouvrir la porte à des poursuites contre les dirigeants de l’ancien régime, dont M. Sall.

« Il ne s’agit pas d’une chasse aux sorcières, encore moins de vengeance. (…) Il s’agit de justice, pilier sans lequel aucune paix sociale ne peut être bâtie », a déclaré M. Sonko.
– Réforme fiscale –

Le Sénégal est resté selon lui « enfermé dans le modèle économique colonial ».

M. Sonko a indiqué qu’il mènerait une réforme fiscale, en « élargissant l’assiette, tout en abaissant graduellement les taux d’imposition moyen ». L’objectif est de « faire payer moins à tous les Sénégalais, mais faire payer à tous les Sénégalais » pour « parvenir à une fiscalité efficace et équitable ».

Le Premier ministre a aussi dit que le Sénégal allait « se retirer de toutes les conventions bilatérales impliquant un paradis fiscal ».

Il a par ailleurs annoncé une « rationalisation des subventions à l’énergie pour qu’elles bénéficient essentiellement aux ménages pauvres », ce qui passe par « un ciblage » des bénéficiaires.

Malgré une situation économique qu’il avait lui-même décrite comme « catastrophique », avec un déficit budgétaire atteignant 10,4% du PIB et une dette publique représentant 76,3% du PIB, M. Sonko « a l’ambition de hisser le Sénégal parmi les économies les plus compétitives d’Afrique ».

Il compte notamment s’appuyer sur les ressources gazières – dont le début d’exploitation sera finalement prévu en 2025, après avoir été longtemps attendu en 2024 -, mais aussi sur la densification du tissu industriel.
– Multilinguisme –

Sur le plan militaire, M. Sonko a mis l’accent sur l’annonce faite par le président Faye de fermer les bases militaires de l’armée française, recueillant les applaudissements de l’Assemblée.

Concernant l’émigration clandestine, à l’origine de drames presque hebdomadaires sur la route qui mène aux îles Canaries – porte d’entrée de l’Europe -, le Premier ministre a promis « le renforcement des dispositifs de lutte contre l’immigration irrégulière en multipliant les contrôles et en renforçant les sanctions » mais aussi « un soutien aux initiatives de retour volontaire ».

Enfin, il a promis la promotion du « multilinguisme », via « la généralisation de l’enseignement de l’anglais à l'(école) élémentaire et l’utilisation des langues nationales dans le système d’éducation et de formation », dans ce pays où l’enseignement public est dispensé en français.

Ce discours de politique générale, très attendu, avait été reporté à plusieurs reprises. Le bouillant Premier ministre avait refusé en juin de se présenter devant un Parlement dominé à l’époque par un camp qui lui était hostile.

Un nouveau report a eu lieu mi-septembre après la dissolution du Parlement par le président Faye. Les élections législatives du 17 novembre ont été largement remportées par MM. Faye et Sonko, leur donnant une majorité confortable pour mettre en place leur programme.

Avec AFP

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