Les patrons des médias au Sénégal appellent à une journée sans presse mardi pour alerter sur les difficultés dans leur secteur qui vit « une des phases les plus sombres de son histoire », plus de quatre mois après l’arrivée au pouvoir des nouvelles autorités.
« Les journaux ne vont pas paraître. Il n’y aura pas d’émissions de radio et de télévision. Les sites d’informations appartenant à des entreprises de presse ne vont pas diffuser », a affirmé lundi à l’AFP Mamadou Ibra Kane, le président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse au Sénégal (Cdeps, patronat).
Le Cdeps, qui regroupe des éditeurs privés et publics, a indiqué que la liberté de la presse « est menacée au Sénégal », dans un éditorial commun publié lundi par la presse locale.
Il met en cause les autorités notamment pour le « blocage des comptes bancaires » des entreprises de presse pour non-paiement d’impôt, la « saisie de (leur) matériel de production, la « rupture unilatérale et illégale des contrats publicitaires », le « gel des paiements » dus aux médias.
« L’objectif visé n’est autre que le contrôle de l’information et la domestication des acteurs des médias », estime-t-il.
Au Sénégal, le secteur des médias est confronté depuis longtemps à des difficultés économiques, les acteurs dénonçant des conditions de travail précaires.
L’éditeur de deux quotidiens sportifs parmi les plus lus dans le pays, « Stades » et « Sunu Lamb », a suspendu fin juillet leur parution après plus de vingt ans de présence dans l’espace médiatique sénégalais à cause de difficultés économiques.
La « journée sans presse » a lieu « dans un contexte où 26% des reporters du pays sont dépourvus de contrats de travail » alors que « des entreprises de presse traînent de lourdes dettes fiscales » sur fond d’une « crise de confiance entre les médias et le public », affirme l’ONG Reporters sans frontières (RSF) dans un communiqué transmis à l’AFP.
Face aux « pressions multiformes qui menacent » les médias et le droit à l’information du public, RSF appelle les autorités sénégalaises « à intervenir en se concertant avec les acteurs des médias » pour « des solutions bénéfiques au pays, au secteur des médias et à la démocratie sénégalaise ».
Le Premier ministre Ousmane Sonko, nommé par le président Bassirou Diomaye Faye qui a pris ses fonctions début avril, avait dénoncé fin juin les « détournements de fonds publics » auxquels se livreraient selon lui certains patrons de presse qui ne versent pas leurs cotisations sociales.
« On ne va plus permettre que des médias écrivent ce qu’ils veulent sur des personnes, au nom d’une soi-disant liberté de la presse, sans aucune source fiable », avait par ailleurs déclaré le 9 juin Ousmane Sonko devant les jeunes de son parti à Dakar, des propos que la profession avait jugé menaçants à l’encontre de la presse.
Depuis 2021, le Sénégal a reculé de la 49e à la 94e place au classement mondial de la liberté de la presse de RSF. L’ONG avait exhorté début juin le nouveau pouvoir à agir en faveur de la liberté de la presse après trois années d’agressions et d’arrestations de journalistes ou de suspensions de médias sous la présidence de Macky Sall.
Avec AFP