Seine-Saint-Denis : un marabout malien jugé pour viols sur sept femmes

Palais de Justice de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. © DR

La soumission ou une malédiction. À partir de ce mercredi, un marabout est jugé par la cour criminelle de Seine-Saint-Denis dans un dossier où se confondent pratiques rituelles et prédation sexuelle. L’homme est notamment accusé d’avoir abusé de son statut religieux pour violer sept femmes. Ali S., 34 ans, est également poursuivi pour une agression sexuelle et une tentative de viol sur deux autres femmes, entre 2018 et 2020. La justice lui reproche par ailleurs d’avoir escroqué ses victimes, toutes originaires d’Afrique de l’Ouest, de milliers d’euros.

Ces dernières voulaient soulager un pied douloureux, lever un obstacle à un mariage, tomber enceinte ou remettre un enfant dans le droit chemin. Elles ont été harcelées, menacées, pour aboutir, dans un climat de peur, dans la chambre d’un hôtel miteux de Montreuil (Seine-Saint-Denis).

Il lui a assuré que le « diable » était à ses trousses

« Nos clientes sont très marquées par ce dossier très particulier. Pour elles, le chemin pour en arriver jusqu’au procès fut difficile, tant du fait de la nature extrêmement dure des faits que d’un accès difficile au droit pour certaines victimes », ont déclaré conjointement Mes Seydi Ba, Diala Al-Shaman et Julien Lefébure, avocats de plusieurs parties civiles.

L’affaire commence en octobre 2020 lorsqu’une femme porte plainte pour viol et extorsion au commissariat du 20e arrondissement de Paris contre ce Malien qui l’a abordée dans la rue quelques jours auparavant. S’étant présenté comme un marabout, il lui a assuré que le « diable » était à ses trousses.

Après avoir refusé de recourir à ses services, elle cède face à ses menaces téléphoniques insistantes d’une malédiction amenée à s’abattre sur ses enfants. Par deux fois, elle lui remet de l’argent et lui demande de ne plus prendre contact avec elle. Pourtant le harcèlement et les demandes d’argent se poursuivent. La femme finit par accepter un rendez-vous à Montreuil, base de la diaspora malienne en France.

Appels et images de scènes vaudoues

Selon le récit de la victime, l’homme l’entraîne dans une chambre d’hôtel et demande à pratiquer sur elle un « maraboutage ». Elle refuse. Il la force et la viole, avant de s’en aller. Les jours qui suivent, la femme reçoit sur son téléphone un flux incessant d’appels et d’images de scènes vaudoues, accompagnées de nouvelles demandes d’argent. Sollicitée, la police interpelle le suspect.

En poussant leurs recherches, les enquêteurs découvrent que l’homme est surnommé le « marabout violeur » par certaines femmes de la communauté ouest-africaine et suspecté d’avoir recouru au même mode opératoire sur de multiples victimes. Certaines des femmes concernées ont été directement abordées dans la rue par le mis en cause, qui dit avoir fui le Mali en 2014 suite à l’assassinat de son père par des jihadistes. D’autres sont venues d’elles-mêmes à lui pour solliciter ses pouvoirs rituels.

« Ces femmes complotent contre moi »

Le marabout a abreuvé nombre d’entre elles de messages WhatsApp alternant images pornographiques et photos d’objets vaudous (pattes de poulets, clous, bougies, couteaux…), instrumentalisant leurs croyances pour les plier à ses injonctions pécuniaires et sexuelles. Durant l’instruction, Ali S. a estimé que les plaignantes s’étaient entendues contre lui : « Tout ça c’est de la politique, ces femmes complotent contre moi », a-t-il déclaré au juge d’instruction. Il encourt 15 ans de réclusion criminelle.

Contactée par l’AFP, sa défense n’a pas souhaité s’exprimer avant l’audience, prévue jusqu’au 10 mai.

Avec AFP

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