Procès en France : le parquet qualifie l’ex-président Sarkozy de « commanditaire » d’un pacte de corruption avec Kadhafi

Procès en France: le parquet qualifie l'ex-président Sarkozy de "commanditaire" d'un pacte de corruption avec Kadhafi. Archives. © AFP

Après dix semaines de procès à Paris dans une affaire de soupçons de financement libyen, le parquet financier a qualifié Nicolas Sarkozy de « véritable commanditaire » d’un pacte de corruption « indécent » noué avec le dictateur libyen Mouammar Kadhafi pour qu’il finance sa campagne présidentielle 2007, en débutant mardi ses réquisitions contre l’ancien président français et ses 11 co-prévenus.

Ce réquisitoire doit durer trois jours et s’achever jeudi soir avec le montant des peines réclamées, mais les procureurs ne mâchent pas leurs mots lors de cette première après-midi, particulièrement à l’encontre du principal prévenu, qui enrage en silence, assis face à eux

« Derrière l’image de l’homme public se dessine au gré des enquêtes judiciaires la silhouette d’un homme porté par une ambition personnelle dévorante, prêt à sacrifier sur l’autel du pouvoir les valeurs essentielles telles que la probité, l’honnêteté et la droiture », déclare le procureur Quentin Dandoy avant que l’audience ne soit suspendue pour la journée.

Usant de frises chronologiques, de formules choc ou ironiques, les magistrats ont détaillé dans un premier temps le « pacte de corruption » conclu selon eux fin 2005 par Nicolas Sarkozy avec l’aide de ses proches Claude Guéant et Brice Hortefeux lors de visites à Tripoli.

« On vous dit qu’il n’y a aucun élément matériel démontrant que Nicolas Sarkozy aurait donné quelconque instruction. Bien évidemment ! », lance le procureur. « Tout est précisément organisé, pensé pour que jamais il n’apparaisse ».

Et de revenir sur les explications « rocambolesques », « totalement surréalistes » de Claude Guéant et Brice Hortefeux sur leurs rencontres en Libye avec le beau-frère de Mouammar Kadhafi, Abdallah Senoussi, pourtant condamné en France à la perpétuité pour terrorisme.

Selon l’accusation, c’est notamment lui qui était chargé, côté libyen, d’organiser le soutien financier de la campagne. Les prévenus ont maintenu qu’ils étaient tombés dans un « piège », un « guet-apens » et n’avaient jamais eu l’intention de le rencontrer.

« On se moque de vous ! », lance le procureur au tribunal. « Envoyer ses plus intimes collaborateurs » est « la démonstration de l’implication totale de Nicolas Sarkozy en tant que commanditaire », soutient le magistrat.

– « Intime conviction » –

Claude Guéant et Brice Hortefeux – absents à l’audience du jour – se sont vu confier le rôle « d’hommes de mains », « jusque dans cette salle d’audience, où ils se sont retrouvés en première ligne, éprouvant les pires difficultés pour tenter d’expliquer l’inexplicable, tout en prenant bien soin de maintenir Nicolas Sarkozy à distance », ajoute-t-il.

A plusieurs reprises, l’ancien président français, qui a toujours clamé son innocence, ne peut réprimer un commentaire furieux à voix haute.

Quatre mois environ après la dernière visite en Libye, affirme le magistrat, le « premier versement corruptif » part de Libye pour arriver sur le compte d’une société offshore bénéficiant à l’intermédiaire Ziad Takieddine. Cinq millions seront transférés au total.

Un pacte « inconcevable, inouï, indécent », a résumé avant lui Philippe Jaeglé, le deuxième procureur financier.

Parce qu’il a été « conclu avec (un) régime sanguinaire », avec « pour objectif de soutenir financièrement la campagne » de celui qui deviendra président français.

Mais aussi car ce pacte « aurait pu vicier le résultat » de l’élection présidentielle française de 2007 et qu’il « risquait de porter atteinte à la souveraineté et aux intérêts de la France », a-t-il poursuivi.

Le parquet national financier (PNF) n’avait pas de « positionnement figé » avant le procès, a-t-il assuré. Mais les dix semaines de débats, marquées par les « explications extravagantes » des trois anciens ministres et de l’ancien président prévenus, ont « renforcé » et « transformé ce positionnement en intime conviction ».

Il a souligné que ce dossier avait été « émaillé de mensonges, interférences, manipulations », notamment de la part de l’ex-président pour empêcher l’avancée de l’enquête. Il a « fallu déminer, écarter les fausses pistes ».

Jugé pour corruption, recel de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne et association de malfaiteurs, il encourt 10 ans de prison et 375.000 euros d’amende, ainsi qu’une privation des droits civiques (donc une inéligibilité) allant jusqu’à 5 ans.

Le ministère public poursuit mercredi matin ses réquisitions, pour aborder les contreparties supposées.

Avec AFP

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