La peine de mort a été requise mardi contre 50 personnes, dont trois Américains, poursuivies pour une « tentative de coup d’État » le 19 mai en République démocratique du Congo, une demande jugée « très sévère » par la défense qui doit plaider vendredi.
A l’exception du prévenu Alain Tikimo, atteint de « troubles psychologiques », le lieutenant-colonel Innocent Radjabu, représentant du ministère public, a appelé les juges à « condamner à la peine capitale » tous les prévenus pour « attentat », « terrorisme », « tentative d’assassinat », « association de malfaiteurs » et « meurtre ».
Au petit matin du 19 mai, plusieurs dizaines d’hommes avaient attaqué le domicile du ministre sortant de l’Économie, Vital Kamerhe, devenu depuis président de l’Assemblée nationale, avant d’investir le palais de la Nation, bâtiment historique abritant des bureaux du président Félix Tshisekedi.
L’aventure des assaillants s’était arrêtée là, avec l’intervention des forces de sécurité qui avaient interpellé une quarantaine d’entre eux et en avaient tué quatre autres, dont leur chef présumé, Christian Malanga, un Congolais de 41 ans installé aux États-Unis.
Depuis le 7 juin, le tribunal militaire de garnison de Kinshasa-Gombe, siégeant dans l’enceinte de la prison militaire de Ndolo, où sont incarcérés tous les prévenus, juge 51 personnes pour ce que l’armée a qualifié de « tentative de coup d’État ».
Six étrangers figurent parmi eux : trois Américains nés aux États-Unis – Marcel Malanga (22 ans), Tyler Thompson (22 ans) et Benjamin Zalman-Polun (36 ans) -, ainsi qu’un Belge, un Britannique et un Canadien, tous trois des Congolais naturalisés.
Dans son réquisitoire, le ministère public a également demandé au tribunal « de prononcer la confiscation de tous les objets ayant servis à la commission des infractions, au profit de l’État congolais ».
Pendant les interrogatoires, tous les prévenus directement impliqués dans cette affaire (ceux arrêtés au palais de la Nation) ont rejeté la responsabilité de leur aventure sur Christian Malanga, chef présumé du commando.
Marcel Malanga, né aux États-Unis d’une mère américaine, a dit être venu en RDC, accompagné de son ami Tyler Thompson, à l’invitation de son père, Christian Malanga.
– « 250 millions de dollars » –
Comme les autres, il a tout rejeté sur son père, qu’il a décrit comme un homme autoritaire qui le battait quand il était petit.
Les autres personnes arrêtées dans la ville en marge de ce « coup d’Etat », dont quatre femmes, ont dit n’être impliquées ni de près, ni de loin dans cette affaire.
Cette opération de quelques dizaines d’hommes manifestement mal préparés pour renverser un régime est entourée de nombreuses questions, notamment sur d’éventuels commanditaires.
La veille, dans leurs conclusions, les avocats de sept parties civiles, sur la dizaine constituées, dont certains prévenus, ont réclamé des dommages et intérêts allant de 10.000 à 250 millions de dollars américains pour les « préjudices subis ».
Les avocats de la République démocratique du Congo ont réclamé une somme de « 250 millions de dollars » aux prévenus.
« Le préjudice est immense, la république est passée à côté du chaos. Il y a eu saccage et destruction au palais de la Nation », a soutenu l’un d’eux, Matadi Wamba. Il a néanmoins appelé le tribunal à faire un distinguo entre les « auteurs » du coup et les prévenus présentés comme « complices ».
Matadi Wamba s’est remis « à la sagesse » des juges quant au sort à réserver aux autres prévenus, notamment les propriétaires et agents de l’établissement « Chez Momo 19 », l’auberge où étaient hébergés certains assaillants et leur chef présumé.
Pour la défense, le réquisitoire du ministère public est « très sévère », a réagit auprès de l’AFP Richard Bondo, avocat de l’Américain Benjamin Zalman-Polun.
Les peines demandées par le ministère public « sont sévères », mais « c’est pour dissuader d’éventuels putschistes », a commenté de son côté Matadi Wamba.
En mars, Kinshasa a décidé de lever le moratoire sur l’exécution de la peine de mort qui était en vigueur depuis 2003.
Selon le gouvernement, cette mesure, très critiquée par les organisations de défense des droits humains, cible en priorité les militaires accusés de trahison, au moment où l’est du pays est en proie à une rébellion armée soutenue par le Rwanda.
Depuis, au moins 80 condamnations à mort ont été prononcées, principalement contre des militaires accusés de « fuite devant l’ennemi ».
La plaidoirie de la défense est prévue vendredi.
Avec AFP