Nogaye Thiam, symbole d’un silence insoutenable

Nogaye Thiam, symbole d’un silence insoutenable. © DR

Elle s’appelait Nogaye Thiam. Elle est morte dans sa chambre, seule, sans que personne ne s’en aperçoive pendant deux jours, son bébé d’un an et demi à ses côtés. Ce drame n’est pas seulement celui d’une femme disparue dans l’indifférence, il est le miroir d’une cruauté familiale et d’un manque de compassion qui gangrènent trop souvent nos sociétés.

Dans cette affaire, le mari était en voyage. Mais comment expliquer que personne, ni belle-famille ni proches, n’ait pris la peine de s’inquiéter de son absence pendant quarante-huit heures ? Plus glaçant encore, l’interview du mari : une posture stoïque, des mots vides d’émotion, comme si la mort de sa femme n’avait aucune résonance. Ce détachement révèle une vérité brutale, dans certains foyers les femmes ne sont pas protégées mais exposées à l’indifférence et au mépris.

La violence faite aux femmes est universelle. Elle ne connaît ni frontières sociales ni niveaux d’instruction. Selon l’ONU Femmes, près de 1 femme sur 3 dans le monde a déjà subi des violences physiques ou sexuelles de la part d’un partenaire intime. En Afrique, les chiffres officiels sont rares, mais les enquêtes disponibles montrent des réalités alarmantes : en Afrique de l’Ouest, plus de 40 % des femmes déclarent avoir été victimes de violences, et ce chiffre grimpe à 65 % en Afrique centrale. Ces données sont probablement sous-estimées, car la majorité des victimes ne portent pas plainte, par peur ou par honte.

Nogaye Thiam n’est pas seulement une victime individuelle, elle incarne le sort de milliers de femmes africaines enfermées dans des foyers où la belle-famille exerce un contrôle oppressant et où la famille biologique, trop indulgente ou culpabilisante, ne joue pas son rôle de rempart. Beaucoup de femmes restent dans des mariages violents par crainte du jugement parental ou de l’impossibilité de « retourner à la maison ». Ce silence familial est une complicité indirecte.

Il est urgent de rappeler aux parents leur responsabilité première : être le refuge de leurs filles. Leur dire que la porte est ouverte en cas de danger, qu’elles ne seront pas jugées mais protégées. Car la violence domestique n’est pas une fatalité. C’est un comportement appris, toléré et minimisé. Et c’est aussi, selon Amnesty International, l’une des principales causes de mortalité des femmes âgées de 16 à 44 ans, devant le cancer et les maladies cardiovasculaires.

La mort de Nogaye Thiam, peut-être naturelle, révèle surtout l’inhumanité d’un système familial qui a failli. Elle nous oblige à regarder en face la souffrance silencieuse des femmes africaines, et à briser le cercle de l’indifférence.

Que son âme repose en paix, et que son histoire devienne un électrochoc pour que plus aucune femme ne meure dans l’ombre, ignorée par ceux qui prétendent l’aimer.

Manda CISSE

Auteur/Autrice

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