Daniel Chapo, ancien gouverneur provincial de 47 ans, a été élu président du Mozambique, a annoncé jeudi la commission électorale, plus de deux semaines après le scrutin du 9 octobre contesté dans la rue et entaché de nombreuses irrégularités.
A l’annonce de sa victoire, des centaines de manifestants protestant contre des fraudes, qualifiées de « grossières » par l’Eglise catholique, ont pris la direction du centre de la capitale où la commission électorale délivrait les résultats.
Le dispositif de police leur barrant la route a tenté de les disperser avec des gaz lacrymogènes sur une avenue où des pneus ont été incendiés, des panneaux électoraux déchirés et des projectiles envoyés vers les forces de l’ordre, a constaté une équipe de l’AFP.
Des confrontations entre policiers et manifestants dans plusieurs villes ont fait des blessés, ainsi qu’un mort à Nampula (nord), a rapporté la police sans plus de détails.
Et des manifestants tentaient dans la soirée de bloquer la nationale reliant la capitale à la frontière sud-africaine, selon des images de la presse locale montrant des barricades en feu.
Investi par le Frelimo qui est aux manettes de ce pays d’Afrique australe depuis un demi-siècle, Daniel Chapo a obtenu près de 71% des voix contre 20% des suffrages pour l’opposant Venancio Mondlane, qui revendique la victoire et dénonce des tricheries.
La participation a été particulièrement faible, à 44,48%, inférieure à celle de 2019 de plus de 7 points.
Avant de s’enfiévrer, Maputo était déserte sous l’effet d’un appel à la grève générale lancé par l’opposition après le meurtre de deux de ses figures le week-end dernier.
« Ce n’est pas le pays que nous voulons pour nos enfants et les générations futures », a déclaré Daniel Chapo en début de soirée depuis le siège de son parti, évoquant les manifestations et destructions. « Nous réitérons que la justice doit faire la lumière sur ce crime odieux », a-t-il ajouté au sujet du double assassinat.
A Nampula ou Nacala dans le nord-est, des foules aux visages juvéniles ont défilé avec des pancartes comme « Fatigués d’être les esclaves de voleurs » ou soutenant Venancio Mondlane.
– « Paralyser le pays » –
Daniel Chapo, dépourvu d’expérience politique nationale, avait été investi par le Frelimo à la surprise générale en mai, faute de consensus entre factions rivales.
Il devient le premier président mozambicain né après l’indépendance en 1975, ainsi que le premier n’ayant pas combattu lors de la guerre civile (1975-1992).
Ce conflit en sommeil a connu des répliques jusqu’à l’accord de paix définitif de 2019 entre le Frelimo et le parti d’opposition Renamo.
Au Parlement, le Frelimo s’est adjugé 195 sièges sur 250, soit 78% des députés, bien au-delà des deux tiers nécessaires pour modifier la Constitution et plus encore qu’en 2019 (184 sièges, 74%).
Podemos, porté par Venancio Mondlane, a ravi au parti historique Renamo le statut de premier parti d’opposition avec 31 sièges contre 20 pour l’ex-faction rebelle, qui en perd 40 par rapport à 2019.
Délaissant la Renamo après avoir échoué à en prendre la tête, l’ex-animateur de radio de 50 ans avait appelé mercredi soir à « paralyser le pays » pour « montrer au gouvernement illégitime, illégal et immoral du parti Frelimo que le peuple est aux commandes ».
Et ce, en dépit de l’avertissement du président sortant Filipe Nyusi, selon lequel « inciter à la révolte » et « créer le chaos à des fins politiques » pourraient s’apparenter à des « actes délictueux ».
La tension reste vive depuis l’assassinat samedi d’Elvino Dias, l’avocat de Venancio Mondlane, et d’un responsable du parti Podemos, dans une embuscade par des hommes armés en plein coeur de Maputo. L’opposant accuse le pouvoir d’avoir ordonné leur exécution.
« Dans tous les quartiers, on va descendre dans la rue, il n’y aura pas assez de balles pour tout le monde, pas de gaz lacrymogènes, pas assez de blindés », a mis en garde Venancio Mondlane.
Avec AFP