Mali : une étude sur « la résistance antimicrobienne » présentée au Ministre de la santé

Mali : une étude sur « la résistance antimicrobienne » présentée au Ministre de la santé. ©️Présidence de la République du Mali

Dans le cadre de l’amélioration de la qualité des soins, le Ministre de la Santé et du Développement social, le Colonel Assa Badiallo Touré a reçu en audience, durant le week-end, une équipe de recherche du Centre pour le Développement des Vaccins du Mali (CVD-Mali) conduite par le Pr Samba Ousmane Sow venu présenter les résultats d’une étude sur la résistance antimicrobienne.

Selon le département de la santé, cette étude a été réalisée de 2002 à 2023, et a concerné le niveau hospitalier (CHU Gabriel TOURE) et communautaire (Banconi et Djicoroni Para).

« Les résultats de l’étude du CHU GT ont montré que le nombre de patients inclus et le nombre de patients avec des cultures bactériennes positives ont diminué. La principale raison en est que les bactéries évitables par les vaccins ont diminué. Même si le nombre de ces bactéries a diminué, les bactéries à Gram négatif (principalement les bactéries entériques à Gram négatif comme Klebsiella pneumoniae, E. coli, et Pantoa) ont augmenté », a indiqué Samba Sow, responsable du centre.

Toujours selon les résultats de l’étude:  « le pourcentage d’enfants qui meurent a également augmenté. 27% des enfants avec culture négative et 49 % des enfants avec culture positive sont décédés au cours des trois dernières années ; 16 % des enfants avec culture négative et 29 % des enfants avec culture positive sont décédés entre 2002 et 2020. La plupart des décès (chez les enfants ayant une culture positive ou négative) surviennent dans les 48 heures de l’hospitalisation. »

Autre constat de l’étude: « Les pathogènes entériques à Gram négatif, dont la fréquence augmente, sont les causes d’infection les plus fréquentes chez les nouveau-nés. Même si les perfusions, les antibiotiques et l’oxygène sont administrés en temps opportun, les enfants continuent de mourir. Cependant, nous avons constaté qu’une majorité d’enfants sont traités avec des antibiotiques qui n’agissent pas contre les bactéries isolées. Parmi les patients traités avec un traitement empirique discordant, seuls 13 % ont été transférés vers un régime concordant. Les patients positifs traités avec un régime discordant présentaient un taux de mortalité de 60 %, contre 39 % chez les patients traités avec un traitement concordant. La multirésistance aux médicaments est passée de 54 % en 2005-2009 à 93 % en 2021-2023, et la résistance aux céphalosporines de troisième génération est passée de 29 % en 2005-2009 à 93 % en 2021-2023 ».

Les cas du CHU Gabriel Touré et les centres communautaires de Banconi et de Djicoroni-para

Pour les responsables du Centre pour le Développement des Vaccins du Mali (CVD-Mali) «la moitié des patients se présentant à l’Hôpital GT sont traités avec des antibiotiques dans la semaine précédant leur visite, de sorte que certains patients peuvent en fait avoir des bactéries que nous ne pouvons pas cultiver ; 59 % des patients ont été référés depuis un autre établissement entre 2021 et 2024. »

Les résultats de la surveillance communautaire à Banconi et à Djicoroni-para chez les enfants âgés de 6-35 mois avec diarrhée et déshydratation modérée sur un total échantillons de 1338, 81 shigella ont été isolés (taux de positivité : 6,1%). « L’antibiogramme a montré une résistance au :Sulfaméthoxazole +triméthoprime à 90%, Pivmecillinam à 12%, Acide nalidixique à 22%, Ciprofloxacine à 25%, Ceftriaxone à 4%, Ampicilline à 60%, Azithromycine sensible à 100% », évoquent les résultats scientifiques du centre.

Points importants

L’étude parle, par ailleurs, « de nombreux organismes, notamment les Salmonella spp et Streptococcus pneumoniae restent sensibles à la ceftriaxone, comme le montrent les données historiques et d’autres données régionales. La résistance généralisée se limite principalement aux infections dues aux Entérobactéries à Gram négatif, qui surviennent principalement dans la population néonatale. En raison des limitations actuelles du protocole, nous ne sommes pas en mesure d’évaluer la présence d’infections nosocomiales au CHU-GT. »

Pour Samba Sow, « les infections détectées au CHU-GT ont diminué ; cependant, un pourcentage plus élevé d’enfants infectés meurt. Les infections évitables par la vaccination ont diminué, mais les infections à Gram négatif non évitables par la vaccination ont augmenté. »

En indiquant que « la plupart des infections à Gram négatif non évitables par la vaccination surviennent chez les nouveau-nés. Les antibiotiques administrés aux enfants ne fonctionnent pas contre les infections à Gram négatif et les enfants en meurent. »

Les antibiotiques couramment utilisés ne fonctionnent pas contre les infections à Gram négatif car les organismes y sont désormais résistants. La moitié des enfants se présentant au CHU-GT sont déjà traités avec des antibiotiques, donc une culture négative peut ne pas être vraie, précise-t-il.

Selon les recommandation formulées à l’issue de l’étude, il a été indiqué « d’inclure plus de nouveau-nés dans l’étude afin de détecter les infections contractées à l’hôpital et les maladies évitables par la vaccination dues aux germes Gram négatif résistants ».

Ensuite, il est important « d’étendre la surveillance aux CSREF afin de détecter les infections chez les enfants dont les cultures sont négatives lorsqu’ils se présentent au CHU-GT.  La création d’un programme de surveillance de l’utilisation des antibiotiques au sein du CHU-GT est importante pour prévenir l’aggravation de la résistance aux antibiotiques et pour améliorer l’utilisation actuelle des antibiotiques. »

« La création d’un programme national d’accès aux médicaments est nécessaire pour rendre les antibiotiques plus puissants abordables pour les familles qui en ont besoin. Les données de surveillance de la résistance aux antibiotiques à l’échelle nationale sont importantes pour mieux comprendre ces résultats et savoir comment y répondre. Madame le Ministre a apprécié et remercié le CVD pour la qualité des résultats de cette étude qui aidera dans une éventuelle prise de décision dans l’utilisation efficace et efficiente des antibiotiques dans le traitement des malades », soulignent les experts qui ont mené cette étude.

Les résultats de cette étude interviennent à une période où le paludisme ravage le pays. Le département de la santé a d’ailleurs lancé, la semaine dernière, une campagne de prévention contre cette maladie.

Mohamed Camara / Malikonews.com

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