L’armée malienne s’est rapprochée de Kidal (nord) et a mené des combats samedi contre la rébellion touareg, dans ce qui pourrait être le début de la bataille annoncée pour la ville, bastion des séparatistes et enjeu majeur de souveraineté pour l’État central.
Armée et rébellion ont affirmé avoir pris le dessus sur leur adversaire. Différentes sources ont fait état de combats plus ou moins prolongés et plus ou moins éloignés de Kidal selon les interlocuteurs. Aucun bilan humain, matériel ou tactique n’a pu être établi de manière indépendante.
La collecte de l’information est compliquée par l’impossibilité d’accéder au terrain pour des raisons d’insécurité et d’éloignement, parmi d’autres facteurs. Les rebelles séparatistes ont fait couper vendredi le réseau de téléphone à Kidal, possible anticipation d’une offensive de l’armée.
L’armée a dit sur les réseaux sociaux avoir « brisé la ligne défensive » dressée par les rebelles près de Kidal. Elle a assuré avoir repris sa progression, qui « sera menée à bien ».
Le Cadre stratégique permanent, alliance de groupes armés à dominante touareg, a dit dans un message sur les réseaux sociaux avoir livré des « combats vigoureux » face à l’avancée d’une convoi de soldats maliens et de mercenaires du groupe privé russe Wagner, appelé à la rescousse en 2021 par la junte au pouvoir. Il a assuré avoir poussé ses adversaires à battre en retraite « avec des pertes considérables ».
« Nous sommes à quelques dizaines de kilomètres de Kidal. Nous continuons notre progression pour sécuriser tout le territoire », avait dit auparavant un officier malien sous le couvert de l’anonymat compte tenu de la sensibilité du sujet.
Un autre officier basé à Gao, la grande ville du nord, a évoqué des combats à proximité du camp récemment abandonné à Kidal par la mission de paix de l’ONU (Minusma).
« Les combats ont commencé (…), ça tire beaucoup », a dit un élu. Il a assuré que du côté de l’armée, les mercenaires de Wagner étaient plus nombreux que les soldats maliens.
Les quelques dizaines de milliers d’habitants de Kidal, foyer historique des insurrections indépendantistes et carrefour sur la route de l’Algérie, s’attendent à une confrontation depuis que la rébellion touareg, après s’être soulevée en 2012 et avoir accepté de cesser le feu en 2014, a repris les armes en août.
« Les populations civiles sont en train de fuir la ville », a dit un autre élu. « Il faut s’attendre à un long conflit », a-t-il ajouté.
L’armée a procédé au cours des derniers jours à des frappes aériennes à Kidal contre ce qu’elle a appelé des cibles « terroristes ». Plusieurs civils, dont des enfants, ont été tués, selon des résidents et les rebelles, ce que l’armée a démenti.
L’armée avait annoncé jeudi sur les réseaux sociaux le début de « mouvements stratégiques dans le but de sécuriser et d’éradiquer toute menace terroriste dans la région de Kidal ». Elle applique le terme de « terroristes » aussi bien aux séparatistes qu’aux jihadistes.
Une importante colonne militaire stationnée depuis début octobre à Anéfis, à environ 110 km au sud, s’est mise en branle jeudi ou vendredi en direction de Kidal.
– Course à la souveraineté –
Le nord du Mali est le théâtre depuis août d’une escalade entre les acteurs présents (armée régulière, rebelles, jihadistes). Le retrait de la Mission de l’ONU, poussée vers la sortie par la junte, a déclenché une course pour le contrôle du territoire, les autorités centrales réclamant la restitution des camps, les rebelles s’y opposant et les jihadistes tâchant d’en profiter pour affermir leur emprise.
L’évacuation par la Minusma de son camp de Kidal s’annonçait comme la plus inflammable.
L’insoumission de Kidal et de sa région, où l’armée a subi d’humiliantes défaites entre 2012 et 2014, est un motif ancien d’irritation à Bamako, y compris pour les colonels qui ont pris le pouvoir par la force en 2020 et qui ont fait de la restauration de la souveraineté territoriale leur mantra.
Le gouvernement a affirmé sa détermination à reprendre pied à Kidal, où l’Etat central est absent.
La Minusma, contrainte par la dégradation sécuritaire, a accéléré son désengagement et a quitté la semaine passée son camp de Kidal. La rébellion séparatiste en a aussitôt pris le contrôle.
La précipitation du décrochage de la Minusma a irrité la junte qui voulait faire concorder ce départ avec l’arrivée sur place de l’armée.
Avec AFP