Le 22 septembre 1960, j’avais onze (11) ans. Comme tous les jeunes nouveaux maliens de cette époque, j’avais la tête pleine de rêves. Rêves d’un Mali libre, plus uni et prospère. D’une République, où tous les citoyens seront égaux en droits et devoirs. D’un Mali dans lequel chacune des identités est reconnue et respectée. Un Mali dans lequel toutes les diversités communautaires et territoriales sont équitablement représentées dans les institutions et administrations publiques.
Cependant, plus de six (6) décennies plus tard, la réalité est que le vaste territoire hérité de la colonisation est au bord de l’émiettement. La nation plurielle, héritière du vivre ensemble dans le respect de l’identité de chacun « on est uni dans le respect des différences » est au bord de la division. De nos jours au Mali, si tu es différent et que tu ne penses pas comme moi, tu deviens un « mauvais malien » un ennemi à abattre. De nos jours au Mali, le dialogue (Sigui ka fo) et le compromis (fo ka ben) deviennent impossibles.
Nous en sommes à cette situation, parce qu’à l’accession à l’indépendance, l’État colonial et ses doctrines ont été reconduits presque intactes. Les élites s’accrochent encore : à la gestion centralisée des affaires publiques, qui exclue et déresponsabilise la majorité des « citoyens » et à l’uniformisation des territoires et des communautés, pensant ainsi mieux préserver l’unité du pays. Ce que j’appelle le « pays légal » tient encore parce que le « pays réel » résiste malgré sa marginalisation dans la gestion des affaires publiques. Mais cette résistance ne deviendra résilience que si elle ouvre sur une dynamique de changement profond du cadre et des modalités de la gestion des affaires publiques
Ce changement en profondeur doit concerner d’abord l’État qui gouverne la nation. L’État doit être à l’image de la nation malienne, c’est dire unitaire dans le respect des diversités humaines et territoriales. Le changement doit ensuite concerner le modèle de démocratie qui est controversé parce qu’il est exclusif. Le modèle de la confrontation (majorité/opposition) et de « celui qui gagne prend tout » doit céder la place à un modèle consensuel et de partage. C’est au prix de ces changements de fond que nous serons capables d’asseoir les bases d’un Mali stable, en paix et de prospérité parce qu’en capacité de mobiliser tout le potentiel des communautés et des territoires.
Bamako, le 25 septembre 2024
Ousmane SY
Ancien ministre
Grand officier de l’Ordre national du Mali