L’absence prolongée d’Air France au Mali a ouvert un espace que d’autres compagnies ont rapidement investi. Turkish Airlines, Corsair ou Royal Air Maroc ont su ajuster leurs plannings, multipliant les escales et les offres flexibles. Ce vide n’a pas seulement redistribué les parts de marché, il a remodelé tout le paysage aérien régional, révélant une nouvelle hiérarchie où l’agilité prime sur l’héritage.
Aujourd’hui, Air France affiche une volonté claire de reconquête. Selon les annonces récentes, la compagnie prévoit de reprendre ses liaisons vers Bamako dès que possible, sous réserve d’approbation des autorités maliennes. Mais le contexte n’est plus celui d’hier car les États de l’Alliance des États du Sahel (AES) détiennent désormais les cartes. Ce sont eux qui fixent les conditions, et non plus la compagnie française qui impose ses règles.
La nomination d’une direction régionale couvrant le Sahel et l’Afrique du Nord traduit une volonté d’écoute et de diplomatie. Pourtant, la mémoire des Maliens reste vive. En janvier 2022, Air France avait suspendu ses vols de manière unilatérale, invoquant des raisons de sécurité liées aux tensions diplomatiques. Ce geste, perçu comme irrespectueux, a laissé une cicatrice. Comment croire aujourd’hui que la donne a changé sans garanties solides ?
Le retour d’Air France ne peut être un simple rétablissement de lignes aériennes. Il doit être une reconstruction de confiance. Cela implique :
- Des tarifs justes et accessibles pour la diaspora et les populations locales, longtemps pénalisées par des prix excessifs.
- Un respect des souverainetés nationales, en reconnaissant que les États de l’AES sont désormais des acteurs incontournables.
- Des engagements clairs en matière de continuité, car la relation reste fragile et les préoccupations légitimes.
Air France doit comprendre que le Mali n’est plus un marché captif mais un partenaire exigeant. Les décisions prises dans les prochains mois façonneront durablement la relation entre la compagnie et ces territoires (AES). Ce retour, s’il se concrétise, doit être conditionné par un rapport équilibré, respectueux et transparent.
Personne n’est fondamentalement opposé à la reprise des vols Air France. Mais les Maliens, comme leurs voisins, refusent d’être traités comme des clients de seconde zone. Le ciel africain n’est plus une chasse gardée, il est devenu un espace de négociation, de dignité et de souveraineté.
Manda CISSE



