Le Togo se rapproche de plus en plus de l’Alliance des États du Sahel (AES), l’organisation régionale qui a émergé après le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO. Après une annonce discrète de la part du ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, celui-ci a confirmé sur sa page Facebook l’intention du Togo de rejoindre officiellement cette alliance. Cette décision marque un tournant stratégique dans la politique extérieure du pays, qui cherche à renforcer ses liens avec les nations sahéliennes tout en consolidant son rôle régional.
Selon Robert Dussey, l’adhésion à l’AES pourrait renforcer la coopération régionale
Le Togo, qui a jusqu’ici entretenu des relations amicales avec l’AES, entend désormais dépasser ce simple statut pour rejoindre pleinement l’organisation. Selon Robert Dussey, l’adhésion à l’AES pourrait renforcer la coopération régionale, tout en offrant un accès maritime aux pays membres, ce qui serait particulièrement bénéfique pour les nations sahéliennes enclavées.
Lomé a offert son port aux membres de l’AES
Cette orientation stratégique du Togo intervient dans un contexte de tensions croissantes entre l’AES et la CEDEAO. Si Faure Gnassingbé, le président togolais, a adopté une position relativement neutre depuis le début de la crise, son pays a toutefois soutenu les actions des États du Sahel. Une preuve de cette solidarité : Lomé a offert son port aux membres de l’AES, tandis que le Bénin, aligné avec la CEDEAO, a fermé ses frontières avec le Niger.
Montée en puissance du Ghana
Cependant, cette volonté d’adhésion pourrait également répondre au souhait de contrer la montée en puissance du Ghana, qui se rapproche lui aussi des pays du Sahel. En offrant des facilités portuaires, Accra pourrait capter l’attention des États sahéliens, renforçant ainsi sa position dans la région.
Le Togo devra-t-il quitter la CEDEAO pour rejoindre cette nouvelle alliance ?
L’adhésion à l’AES soulève également une question cruciale : le Togo devra-t-il quitter la CEDEAO pour rejoindre cette nouvelle alliance ? L’ancien président de la Cour constitutionnelle béninoise, Théodore Holo, a souligné que le Togo pouvait être membre des deux organisations, une position stratégique qui permettrait à Lomé de conserver son partenariat avec la CEDEAO tout en renforçant ses liens avec l’AES.
En somme, l’adhésion du Togo à l’AES semble logique sur le plan stratégique, mais elle doit être soigneusement réfléchie pour ne pas compromettre les objectifs premiers de l’organisation.
Les bienfaits de l’AES aujourd’hui
L’AES, en dépit de ses défis, représente un réel espoir pour les populations du Sahel, en particulier ceux qui se trouvent dans une situation de grande vulnérabilité face à la crise sécuritaire, économique et climatique. L’organisation permet à ses membres de collaborer plus étroitement sur des enjeux communs, notamment la sécurité, la lutte contre le terrorisme, le développement économique et l’amélioration des conditions de vie des populations.
Il est essentiel que l’AES, tout en poursuivant ses efforts de développement et de coopération, garde ses distances par rapport à certaines pressions externes. L’alliance doit rester vigilante et éviter de se laisser entraîner dans des dynamiques qui ne correspondent pas à ses priorités. En effet, certains acteurs internationaux pourraient chercher à déstabiliser l’AES, craignant la montée en puissance d’un groupe autonome qui pourrait contester les influences extérieures et les relations de dépendance établies. Dans un monde où la souveraineté et l’autonomie des nations sont souvent mises à mal, il est important que l’AES reste concentrée sur ses objectifs fondamentaux, à savoir la sécurité collective, l’intégrité territoriale et le développement durable de ses membres.
En d’autres termes, l’AES doit non seulement se concentrer sur ses propres priorités mais aussi rester alerte face aux tentatives d’influence extérieure. L’unité des États sahéliens ne doit pas être sacrifiée au nom de pressions politiques ou économiques qui ne servent pas les intérêts fondamentaux de la région. L’AES, dans sa forme actuelle, doit d’abord se solidifier, renforcer ses structures internes, et répondre aux besoins de ses populations avant de penser à une expansion précipitée qui pourrait fragiliser ses acquis.
Conclusion : Une prudence stratégique essentielle
Le Togo semble avoir pris la mesure de ces défis en choisissant de rejoindre l’AES dans une logique de coopération régionale et de solidarité avec les pays sahéliens. Toutefois, le pays doit être conscient que l’adhésion à cette alliance nécessite une grande prudence et une vision claire de ses objectifs à long terme. L’AES, pour sa part, doit se concentrer sur sa consolidation interne et éviter les tentations d’expansion prématurée. Si elle parvient à maintenir son cap tout en renforçant ses bases, l’AES pourrait véritablement devenir un modèle de coopération et de résilience pour la région du Sahel et pour toute l’Afrique.
Manda Cissé
Analyste politique