Le Mali prévoit de vendre des réserves d’or du complexe de Barrick pour financer ses opérations

Le Mali prévoit de vendre des réserves d'or du complexe de Barrick pour financer ses opérations. © DR

L’administrateur judiciaire nommé par la justice malienne pour superviser le complexe minier Loulo-Gounkoto de Barrick Mining envisage de vendre une tonne d’or issue de la réserve du site, alors que les opérations reprennent après près de six mois de suspension, ont indiqué deux sources à Reuters.

Le groupe minier canadien Barrick Gold avait temporairement interrompu ses opérations en janvier, après que le gouvernement malien eut saisi des stocks d’or du complexe Loulo-Gounkoto.

L’ancien ministre de la Santé, Soumana Makadji, désigné administrateur provisoire le mois dernier, a fait appel au président de la société minière d’État et ex-dirigeant du site, Samba Touré, pour l’épauler dans la relance des activités, selon deux autres sources.

Avant la suspension, le site représentait 15 % de la production d’or de Barrick, troisième producteur mondial, impactant la production nationale et illustrant le conflit croissant entre le Mali et les groupes miniers internationaux.

Mark Bristow, directeur général de Barrick, a confié à Reuters que la société n’avait reçu que des informations informelles concernant la reprise des opérations et l’expédition d’or.

« Si cela se confirme, tout projet de l’administrateur visant à relancer les opérations et vendre de l’or sur place serait, selon nous, illégitime », a déclaré Bristow.

L’usine a redémarré lundi, pour la première fois depuis janvier, ont confirmé trois autres sources.

Makadji et le ministère malien des Mines n’ont pas répondu aux sollicitations de Reuters. Touré n’a pas pu être joint.

Barrick avait suspendu ses activités après que le Mali a bloqué les exportations, arrêté des dirigeants et saisi des lingots. L’entreprise a également engagé une procédure d’arbitrage international pour résoudre le différend.

La reprise du complexe intervient après deux années de bras de fer entre Barrick et le gouvernement malien dirigé par les militaires, sur fond de litiges fiscaux présumés et du refus de la compagnie d’adopter un nouveau code minier visant à augmenter la part de l’État dans les revenus tirés de la flambée du prix de l’or.

Les investisseurs, qui ont injecté des milliards en Afrique de l’Ouest, doivent désormais se plier à de nouvelles règles alors que les gouvernements militaires du Mali, du Niger et du Burkina Faso réclament une part accrue des revenus miniers.

Le prix de l’or a bondi de 25 % depuis le début de l’année, atteignant un sommet à 3 500 $ l’once en avril, selon les données de Reuters.

Un précédent en vue ?

La vente de cette tonne d’or – qui était stockée dans la salle d’or de Loulo-Gounkoto depuis la suspension des opérations et distincte des trois tonnes saisies en janvier – serait l’un des premiers actes majeurs de Makadji depuis sa prise de fonction à la tête de la plus grande mine d’or du Mali, la troisième d’Afrique.

Relancer la production sans la coopération de Barrick pourrait créer un précédent en matière d’intervention de l’État dans l’industrie minière ouest-africaine.

Les fonds issus de la vente prévue, estimés à environ 107 millions de dollars, devraient financer les dépenses opérationnelles, notamment les salaires, le carburant et les arriérés dus aux sous-traitants.

Le patron de Barrick a promis de contester les mesures du gouvernement devant les juridictions internationales.

« Nous utiliserons tous les moyens légaux à notre disposition pour tenir l’État et les personnes impliquées responsables de ces actes illégaux, afin de protéger nos équipes et de défendre nos investissements », a affirmé Bristow, ajoutant que le Mali n’avait pas agi de bonne foi.

Makadji a assuré au personnel de Barrick, aux représentants syndicaux et aux sous-traitants de sa volonté de reprendre les opérations et de maintenir les salaires, selon trois sources ayant assisté aux réunions.

Défis à venir

De nombreux défis attendent la nouvelle direction, ont souligné six sources, rappelant que la taille du complexe Loulo-Gounkoto complique davantage sa gestion.

« Même si la production redémarre, il faudrait au moins quatre mois pour retrouver un rythme normal – et ce délai était envisagé avec Barrick Gold, mais avec l’administration provisoire, ce sera probablement plus long », a indiqué l’une des personnes interrogées.

Parallèlement, Barrick a revu à la baisse ses prévisions de production pour 2025, et son directeur général se montre pessimiste sur l’avenir de la mine sous l’administration provisoire.

« Nous ne pensons pas que l’administrateur et ses conseillers soient en mesure de gérer cette mine. Nous redoutons que ces tentatives ne portent gravement atteinte aux perspectives à long terme du complexe », a déclaré Bristow.

Pour le trimestre clos en décembre 2024, le coût tout compris de production de Loulo-Gounkoto, un indicateur clé du secteur, s’élevait à 100 millions de dollars.

Depuis la perte du contrôle du complexe, Barrick a restreint l’accès à l’intranet et aux e-mails au Mali.

Seuls les employés basés à Bamako ont été payés pour le mois de juin, tandis que ceux présents sur le site restent impayés, selon trois sources.

Bristow a précisé que l’administrateur était responsable du paiement des salaires de juin et que Barrick avait remis une note de passation détaillée.

Le rappel des principaux expatriés s’annonce également difficile, selon deux sources. Parmi eux figurent des opérateurs australiens de foreuses jumbo, absents depuis janvier, a indiqué l’une des sources.

Les expatriés de la société avaient quitté le Mali l’an dernier, après que les autorités maliennes eurent arrêté le directeur général de Resolute Mining lors de discussions sur le nouveau code minier et émis un mandat d’arrêt contre Bristow.

Certains employés maliens ont été temporairement affectés à l’étranger, d’autres ont démissionné, et la plupart des sous-traitants, impayés depuis janvier, ont suspendu ou licencié du personnel au Mali.

Avec Reuters

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