Le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot a annoncé dimanche lors d’une visite à Alger, « une nouvelle phase » pour les relations entre la France et l’Algérie, après huit mois d’une crise qui a mené les deux pays au bord de la rupture.
« Avec le président (Abdelmadjid) Tebboune, nous avons exprimé la volonté partagée de lever le rideau, d’entrer dans une nouvelle phase » et de « reconstruire un partenariat d’égal à égal, serein et apaisé », a déclaré M. Barrot, à l’issue d’un entretien de 2H30 avec le chef de l’Etat algérien.
Il a dit avoir tenu à venir en Algérie, « moins d’une semaine après » l’appel téléphonique du 31 mars entre M. Tebboune et le président français Emmanuel Macron ayant acté la reprise du dialogue bilatéral.
« La France souhaite tourner la page des tensions actuelles » « dans un souci d’efficacité et de résultats », a expliqué M. Barrot, annonçant une « réactivation de l’ensemble des mécanismes de coopération » où « nous revenons à la normale ».
La période de tension inédite traversée ces derniers mois « ne sert ni les intérêts des Algériens ni des Français », a-t-il estimé.
Selon M. Barrot, tous les sujets ont été mis sur la table lors d’une « réunion très utile » de 1H45 avec son homologue Ahmed Attaf, l’idée étant de « retrouver la dynamique et l’ambition fixées » par MM. Macron et Tebboune en août 2022 lors d’une visite du président français à Alger.
La récente crise d’une gravité inédite entre l’Algérie et son ancienne puissance coloniale (1830-1962) a démarré à l’été 2024 quand M. Macron a apporté son soutien total à un plan d’autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, revendiqué depuis 50 ans par les indépendantistes du Polisario soutenus par Alger. L’Algérie a immédiatement retiré son ambassadeur à Paris.
A l’automne, l’arrestation à Alger de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal pour des déclarations portant, selon l’Algérie, « atteinte à l’intégrité du territoire », a fait monter d’un cran les tensions.
Les tensions se sont ensuite enflammées début 2025 lorsque Paris a réclamé l’expulsion d’influenceurs algériens, refusée par Alger.
– « Geste d’humanité » –
Un point culminant a été atteint fin février, le jour où le ministre de l’Intérieur français Bruno Retailleau a pointé un doigt accusateur contre l’Algérie après un attentat en France commis par un Algérien, objet d’obligations de quitter le territoire rejetées par Alger.
Depuis que MM. Macron et Tebboune ont repris les choses en main, il y a une volonté conjointe de « retrouver les voies de la coopération dans l’intérêt mutuel des deux peuples », selon M. Barrot.
Le ministre a annoncé « tout d’abord » une reprise de la coopération sécuritaire avec une réunion déjà « actée » des hauts responsables des renseignements. « Nous aurons, a-t-il ajouté, un dialogue stratégique sur le Sahel », où l’Algérie est limitrophe du Mali et du Niger. Les deux pays sont préoccupés aussi par le retour de jihadistes de Syrie.
Autre préoccupation française: l’acceptation par Alger des ressortissants renvoyés ou expulsés de France. Le traitement de questions comme les visas et les réadmissions se fera « dans le cadre des accords existants, via des procédures normales », a indiqué M. Barrot, annonçant « une rencontre prochaine » entre préfets français et consuls algériens.
Sur le plan économique, face aux difficultés rencontrées par une partie des 6.000 entreprises françaises implantées en Algérie notamment dans l’agro-alimentaire, l’automobile et le transport maritime, M. Tebboune a assuré vouloir « donner une nouvelle impulsion », a dit M. Barrot, annonçant une réunion entre les patronats des deux pays le 9 mai à Paris.
M. Barrot a évoqué le sort de « notre compatriote Boualem Sansal », appelant le président Tebboune à « un geste d’humanité » pour l’écrivain « au vu de son âge et de son état de santé ». L’essayiste-romancier de plus de 80 ans, atteint d’un cancer, a été condamné le 27 mars à cinq ans de prison.
Le Parquet algérien, qui avait requis 10 ans, a fait appel. Selon des avocats à Alger, une réduction de peine et éventuellement une grâce présidentielle permettraient sa libération anticipée.
« Les relations reprennent leur cours normal, sans avoir besoin de déclarer un vainqueur dans cette brouille diplomatique » tout en démontrant « l’impossibilité d’une rupture entre l’Algérie et la France » voulue par l’extrême droite française, estime le journal algérien L’Expression.