Le célèbre écrivain kenyan Ngugi wa Thiong’o est mort

Le célèbre écrivain kenyan Ngugi wa Thiong'o est mort. © DR

Le célèbre écrivain kenyan Ngugi wa Thiong’o, plusieurs fois cité comme un possible prix Nobel de littérature, est mort mercredi à l’âge de 87 ans, a annoncé sa fille sur Facebook.

« C’est avec le coeur lourd que nous annonçons le décès de notre père, Ngugi wa Thiong’o , ce mercredi matin », a écrit Wanjiku Wa Ngugi. « Il a eu une vie bien remplie et s’est bien battu. »

Considéré comme l’un des écrivains les plus influents d’Afrique de l’Est, il est l’auteur d’une oeuvre reflétant la terre et le peuple dont il était issu, sans suivre les traces de la tradition occidentale.

– « Il a revitalisé les langues africaines » –

Emprisonné par les autorités kényanes en 1977-78, notamment pour avoir écrit des pièces de théâtre qui s’attaquent aux élites de son pays, il décide d’abandonner l’anglais pour écrire dans sa langue natale, le kikuyu, un choix radical mais capital dans une oeuvre marquée par la lutte contre les inégalités.

C’est d’ailleurs dans sa cellule de la prison de haute sécurité de Kamiti que Ngugi wa Thiong’o a fait son premier roman en kikuyu « Caitaani Mutharaba-ini » (« Le Diable sur la Croix »).

« Je l’ai écrit sur le seul papier dont je disposais, du papier toilette », a-t-il un jour raconté.

« Je crois tellement en l’égalité des langues. Je suis complètement horrifié par la hiérarchie des langues », affirmait-il en 2024 dans un entretien avec l’AFP, de Californie, où il vivait en exil.

Cette décision avait à l’époque suscité l’incompréhension. « Nous pensions tous qu’il était fou (…) et courageux à la fois », raconte l’écrivain kényan David Maillu : « On se demandait qui achèterait les livres ».

« Il a revitalisé les langues africaines, longtemps dénigrées comme étant incapables d’exprimer la modernité de manière intelligible », estimait Evan Mwangi, professeur de littérature à l’université américaine de Northwestern.

« Il fait ce que d’autres écrivains majeurs de l’histoire ont fait : écrire dans la langue de leur peuple plutôt que dans celle de l’élite », poursuivait-il, citant les exemples de Shakespeare, Dante et Tolstoï.

– « De la mortalité à l’immortalité » –

« Ayant déjà gagné sa place dans l’histoire du Kenya, il passe de la mortalité à l’immortalité », a écrit mercredi la branche kényane de l’ONG Amnesty International sur X.

« Ngugi wa Thiongo, un géant littéraire et un érudit de renom, un fils du sol et un grand patriote dont les empreintes sont indélébiles », a de son côté réagi Martha Karua, une dirigeante de l’opposition au Kenya, sur le même réseau social.

Né dans une famille de paysans de la région de Limuru, non loin de Nairobi, Ngugi wa Thiong’o a été marqué dès sa jeunesse par la colonisation britannique et l’insurrection locale Mau Mau entre 1952 et 1960, cruciale dans la marche vers l’indépendance finalement obtenue en 1963, qui influenceront ses premières oeuvres.

Il s’est volontairement exilé en 1982 après l’interdiction des troupes de théâtre au Kenya, s’installant d’abord au Royaume-Uni, puis en 1989 aux États-Unis, où il a enseigné la littérature comparée à l’université californienne d’Irvine.

En 1986, celui qui a abandonné son prénom occidental, James, a publié l’un de ses ouvrages les plus connus, « Décoloniser l’esprit », un recueil d’essais sur le rôle de la langue dans la construction de la culture, de l’histoire et de l’identité nationales.

Ngugi wa Thiong’o est retourné au Kenya en juillet 2004, après que Daniel arap Moi eut quitté le pouvoir.

Quelques jours plus tard, le couple a été violemment attaqué dans son appartement : sa femme a été violée, lui a été passé à tabac. Il n’a pas été établi si cette agression était de caractère criminel ou politique.

A la suite cette agression il n’est que rarement rentré au pays.

Avec AFP

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