L’Afrique, priorité de l’Unesco encore sous-représentée au Patrimoine mondial

La directrice générale de l'unesco Audrey Azoulay a fait de l'Afrique sa priorité. © Unesco

L’Afrique, chouchou de l’Unesco? Durant ses deux mandats à la tête de l’organisation, sa directrice générale Audrey Azoulay aura œuvré pour une plus grande inclusion du continent, qui représente 9% des biens inscrits au Patrimoine mondial, mais abrite près d’un quart de ceux déclarés en péril.

Les eaux turquoises de l’archipel des Bijagos (Guinée Bissau), leurs mangroves, réserves de biosphères exceptionnelles, mais aussi les forêts de Gola Tiwai (Sierra Leone), refuge d’espèces menacées comme les éléphants de forêt pourraient permettre à leurs pays de faire leur entrée au Patrimoine mondial.

D’autres sites subsahariens, les Monts Mandara au Cameroun et le Mont Mulanje au Malawi, font également partie des candidatures examinées à Paris par le Comité du patrimoine mondial jusqu’à dimanche.

« Depuis son arrivée en 2018, Audrey Azoulay a fait de l’Afrique non seulement sa priorité, mais aussi une des priorités globales de l’Unesco. Et on commence à voir des résultats très positifs », s’enthousiasme Lazare Eloundou Assomo, à la tête du Centre du patrimoine mondial de l’Unesco.

Selon ce Camerounais, dont la nomination à ce poste stratégique est aussi un symbole, « une stratégie très claire a été élaborée », notamment pour inclure les 11 pays africains n’ayant jamais figuré à ce jour sur la fameuse liste.

Quant au budget consacré à l’Afrique, il a augmenté pour atteindre en 2025 plus d’un quart du budget total de l’organisation onusienne (27%).

L’écart sera toutefois long à rattraper: si le nombre de sites inscrits en Afrique subsaharienne est passé de 93 à 108 ces dernières années, la proportion reste faible sur un total de plus de 1.200 sites à l’échelle mondiale.

C’est pourtant en Afrique qu’a commencé l’histoire de la Convention du patrimoine mondial. En 1959, le temple du pharaon égyptien Ramsès II, à Abou Simbel, risque de se voir englouti par les eaux du Nil, avec la construction du grand barrage d’Assouan. L’Egypte et le Soudan demandent alors l’aide de l’Unesco pour sauvegarder le monument.

Lors des premières inscriptions, en 1978, figurent des sites africains comme l’île de Gorée au Sénégal, symbole de la traite négrière, ou les églises creusées dans la roche de Lalibela, la « Jérusalem éthiopienne ».

– « Vision européenne » –

Mais nombre de pays du continent tardent à ratifier la Convention de 1972, qui conditionne l’inscription de sites au Patrimoine mondial. Les candidatures demandent du temps et des moyens. L’Afrique s’efface progressivement face à d’autres régions.

« Beaucoup de ces pays avaient obtenu leur indépendance peu de temps auparavant, et le développement passait avant la protection du patrimoine », estime Lazare Eloundou Assomo.

Au début, « cette notion était très liée à une vision européenne et occidentale qui renvoyait aux monuments, à une architecture des vieilles pierres qui ne bougent pas », fait valoir à l’AFP le colonel Ibrahima Gueye, directeur des parcs nationaux du Sénégal, qui a supervisé l’inscription de deux d’entre eux au Patrimoine mondial.

Dans un effort de rééquilibrage, l’Unesco va, à partir des années 90, davantage intégrer les cultures dites vivantes, jusque-là très peu représentées. Sites sacrés ou constructions en terre crue trouvent désormais leur place dans le patrimoine mondial, en raison de leur signification spirituelle, sociale ou symbolique.

Des programmes de formation d’experts voient le jour, pour archéologues, architectes, ou professeurs du patrimoine.

« La multiplication des conflits armés, le réchauffement climatique, et l’exploitation des ressources minières et pétrolières constituent des défis susceptibles de mettre en péril les sites africains », prévient toutefois M. Eloundou Assomo.

« Il faut que la question du patrimoine puisse être vue comme un moyen de contribuer au développement, auquel aspirent naturellement nombre de pays », dit-il.

L’archipel bissau-guinéen des Bijagos attend son inscription depuis longtemps, après une première candidature ratée en 2012. Il aura fallu de longues recherches scientifiques et une prise en compte des populations locales pour présenter à nouveau ses écosystèmes côtiers et marins à l’Unesco.

Ses îles, incontournables pour la reproduction des tortues vertes et le passage des oiseaux migrateurs, abritent des sites sacrés et une pêche artisanale essentiels pour leurs habitants.

« Nos règles se sont basées sur celles des communautés, qui protégeaient déjà ces sites », assure à l’AFP Aïssa Regalla de Barros, directrice générale de l’Institut de la Biodiversité et des Aires Protégées (IBAP) en Guinée-Bissau. « Nous sommes favorables au tourisme, mais pas à n’importe quelle condition. Pas question de folkloriser cette culture ».

Avec AFP

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