La Turquie continue de pousser ses pions en Afrique

Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, reçu par Recep Tayyip Erdogan à Ankara, jeudi 31 octobre. © Présidence du Sénégal

La Turquie est devenue un « partenaire recherché » en Afrique grâce à son passé « non colonial » et à ses projets dans les domaines de l’énergie et de la défense, selon des sources diplomatiques turques, avant une réunion ministérielle à Djibouti.

Le ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan participe les 2 et 3 novembre dans ce petit pays de la Corne de l’Afrique, tardivement émancipé en 1977 de la tutelle de la France – qui y conserve des forces militaires – à la réunion du Partenariat Turquie-Afrique, un organisme de coopération établi en 2008.

« Le principal avantage de notre pays est son passé non colonial. Lorsque des dirigeants anti-impérialistes recherchent de nouveaux partenaires, ils pensent en priorité à notre pays », estime-t-on de source diplomatique à Ankara.

Avant la naissance de la République turque en 1923, l’Empire ottoman a pourtant régné sur de nombreux territoires africain, mais en a perdu le contrôle dès le 19e ou début du 20e siècle.

Un des signes de la montée en puissance d’Ankara sur le continent est sa médiation depuis juin entre l’Éthiopie et la Somalie, deux voisins limitrophes de Djibouti aux relations tendues, afin de garantir l’accès de l’Éthiopie aux eaux internationales via la Somalie, sans attenter à la souveraineté territoriale de celle-ci.

La Turquie est la mieux placée, compte tenu d’une « grande méfiance dans la région envers les grandes puissances ainsi qu’envers les pays du Golfe » juge-t-on à Ankara.

« Difficiles », ces pourparlers avancent « à leur rythme », assure-t-on de même source.

– Forte présence –

La « confiance » s’est adossée à la présence de la Turquie en Somalie depuis une vingtaine d’années, à travers des investissements en agriculture, la construction de l’aéroport de Mogadiscio, d’un centre d’entraînement militaire, d’un hôpital et d’écoles.

Récemment le navire turc Oruç Reis est arrivé à Mogadiscio pour une mission d’exploration de gaz naturel et de pétrole dans les eaux somaliennes, en vertu d’un accord entre les deux pays prévoyant des forages dans trois zones de 5.000 km2 chacune.

Des accords de coopération dans l’exploration de gaz et de pétrole, ainsi que tout récemment d’exploitation de mines, ont aussi été signés avec le Niger.

La compagnie nationale turque MTA possède trois mines d’or dans ce pays du Sahel, doté de mines d’or ou d’uranium. « Il existe également un potentiel dans le domaine du pétrole et du gaz naturel », relevait cet été le ministre turc de l’Énergie Alparslan Bayraktar.

Ces mines sont directement protégées par l’armée nigérienne mais la Turquie est considérée comme un « partenaire de sécurité » par de nombreux pays de la région.

Au fil du temps, Ankara a signé des accords de coopération militaire avec plus de vingt-cinq pays africains, leur fournissant des armes de sa fabrication dont des drones, des hélicoptères, des avions d’entrainement et des blindés.

Sa position hostile aux sanctions imposées par les Occidentaux aux régimes militaires du Niger, du Burkina Faso et du Mali facilite aussi les relations d’Ankara avec ces pays.

– Coopération militaire –

La Turquie est ainsi devenue le quatrième plus grand fournisseur d’armes de l’Afrique subsaharienne, selon un rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) publié en mars.

Ankara forme aussi les forces armées de nombreux pays africains, selon des sources diplomatiques turques qui ont refusé de préciser ceux qui en bénéficient.

« Nous contribuons ainsi à la lutte contre le terrorisme » font-elles valoir, en soulignant que ce combat « et le développement économique doivent être menés simultanément », en particulier au Sahel.

« L’Afrique de l’Ouest est une région dominée par des problèmes de sécurité » a remarqué jeudi le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, reçu par Recep Tayyip Erdogan à Ankara auquel il a « dit qu’il était nécessaire de renforcer la coopération dans le domaine de la défense » a ajouté M. Faye.

Au plan civil, les entreprises de construction turques, très présentes sur des projets d’infrastructure comme le développement des chemins de fer en Tanzanie (6,5 milliards de dollars), contribuent à assoir l’image de leur pays d’origine.

Le commerce entre la Turquie et les pays africains ont dépassé 40 milliards de dollars en 2022 et la compagnie Turkish Airlines dessert une cinquantaine de destinations sur le continent.

Avec AFP

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