A l’initiative de l’ONU, experts et dirigeants mondiaux se sont réunis lundi en Espagne pour une conférence internationale sur le financement du développement, mis à mal par les crises mondiales et les coupes budgétaires drastiques décidées notamment par le president américain Donald Trump.
Au moins 50 chefs d’Etat et de gouvernement sont arrivés à Séville (sud) pour cette rencontre de quatre jours, aux côtés du secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, du Premier ministre espagnol Pedro Sánchez et de 4.000 représentants de la société civile.
L’objectif de cette conférence dite FfD4, la quatrième du genre depuis 2002, est de trouver des solutions pour les pays du Sud, confrontés – selon les Nations unies – à « un déficit de financement estimé à 4.000 milliards de dollars par an », pour tenir leurs objectifs de développement durable.
Parmi les dirigeants dans la capitale andalouse, où règne une chaleur caniculaire, figurent le président français Emmanuel Macron, le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye et le Colombien Gustavo Petro. Leur homologue sud-africain Cyril Ramaphosa a, lui, annulé sa venue pour des raisons de politique intérieure.
Les Etats-Unis, pour leur part, n’enverront aucun représentant. Washington a, en effet, décidé mi-juin de quitter la table des négociations en raison d’un désaccord sur le texte soumis aux délégations, accusé d’empiéter sur leur « souveraineté » et de créer des structures « faisant doublon ».
Cette rencontre survient dans un contexte particulièrement sombre pour l’aide au développement, touchée de plein fouet par la réduction de l’aide humanitaire décidée par Donald Trump, qui a supprimé 83% des financements de programmes à l’étranger de l’agence de développement USAID.
Avec 63 milliards de dollars d’aide publique en 2024, les Etats-Unis étaient le principal pays donateur pour de nombreuses agences et ONG, actuellement confrontées à d’importantes difficultés, d’autant que d’autres capitales, comme Paris, Londres et Berlin, ont aussi réduit leurs aides.
– « Regarder la vérité en face » –
« Les gouvernements des pays riches sont en train d’effectuer les coupes les plus importantes dans l’aide au développement jamais enregistrées depuis 1960 », a dénoncé vendredi l’ONG Oxfam, inquiète de voir les pays du Sud « dévier tragiquement » de leur « trajectoire » de développement.
Pour les pays concernés, la situation est d’autant plus délicate que l’endettement public a bondi depuis la crise du Covid-19. Selon les Nations unies, celui des moins avancés a ainsi triplé en 15 ans, et 3,3 milliards d’habitants vivent dans des pays dépensant plus pour rembourser leur dette que pour la santé ou l’éducation.
« Au milieu des conflits croissants, d’une planète en feu et des divisions grandissantes », la conférence de Séville doit « montrer comment la coopération internationale peut et doit répondre aux besoins des populations », a souligné sur X Antonio Guterres, en insistant sur l’urgence du combat contre le réchauffement climatique.
« La chaleur extrême n’est plus un événement rare — elle est devenue la nouvelle norme. Je l’expérimente moi-même en Espagne » lors de la FfD4, a poursuivi le secrétaire général de l’ONU, qui a appelé pour cela à « corriger la manière dont le monde investit dans le développement durable ».
L' »engagement de Séville », qui sera formellement adopté au terme de la conférence, invite pour cela à revoir l’architecture financière internationale, en accordant notamment plus de place aux pays du Sud dans les grandes institutions et en exigeant une meilleure coopération contre l’évasion fiscale.
Ce texte de 38 pages, qui sera complété par des annonces unilatérales dans le cadre d’une « plateforme de Séville pour l’action », servira de plan directeur pour le financement du développement au cours des dix prochaines années. De nature politique, il ne sera cependant pas contraignant sur le plan juridique.
Un motif de mécontentement chez les ONG, déjà agacées par ce qu’elles considèrent comme un manque de solidarité des pays les plus riches. « Le Nord global continue de bloquer les réformes. Ce n’est pas du leadership, c’est du déni », a ainsi regretté Mariana Paoli, responsable du plaidoyer chez Christian Aid.
A l’appel d’une coalition d’ONG, plusieurs centaines de personnes ont manifesté dimanche soir dans le centre de Séville pour réclamer une annulation de la dette et une taxation des super riches afin de dégager plus de ressources pour « la santé, l’éducation et les politiques sociales ».
Avec AFP