Rigathi Gachagua, 59 ans, hospitalisé au moment du vote, devient le premier vice-président écarté du pouvoir dans le cadre d’une telle procédure, prévue par la Constitution de 2010.
Près d’une semaine l’adoption, par une écrasante majorité, de la motion de destitution par l’Assemblée nationale, le Sénat l’a jugé coupable de « violation grave » de la Constitution, notamment de menaces envers les juges et de pratiques politiques de division ethnique.
Mais il a été innocenté des allégations de corruption et de blanchiment d’argent.
Ce processus historique soulève des incertitudes au Kenya, considéré comme une démocratie stable dans une région instable.
M. Ruto avait choisi M. Gachagua comme colistier pour la présidentielle de 2022, malgré sa réputation déjà sulfureuse, marquée par plusieurs accusations de corruption.
Doté d’un solide réseau d’influence notamment dans la région stratégique du Mont Kenya, cet ancien homme d’affaires de l’ethnie kikuyu – majoritaire dans le pays – a joué un rôle crucial dans la victoire de M. Ruto face à son rival Raila Odinga (50,49% contre 48,85%).
Mais les relations entre les deux hommes à la tête de l’Etat se sont détériorées notamment depuis un mouvement de contestation antigouvernementale qui a secoué le pays en juin et juillet.
Le vice-président, qui a qualifié les accusations de « pure propagande » et de « complot visant à (le) chasser du pouvoir en raison d’autres considérations politiques », était présent à l’ouverture des audiences jeudi matin, mais n’est pas revenu après la pause déjeuner.
Quelques heures avant le vote de la chambre haute et alors qu’il devait se défendre face aux sénateurs, un de ses avocats a annoncé qu’il était tombé malade, et avait été hospitalisé.
– « Jusqu’au bout » –
« Il est arrivé avec de fortes douleurs thoraciques », a déclaré à des journalistes le cardiologue en chef de l’hôpital de Karen dans la banlieue de Nairobi, Dan Gikonyo, ajoutant que l’état de M. Gachagua était stable mais qu’il resterait en observation entre 48 à 72 heures.
La chambre haute a suspendu les audiences dans l’après-midi, mais a rejeté une requête de la défense de M. Gachagua de reporter le vote à mardi prochain pour lui donner la chance de se défendre.
Ses avocats ont quitté les lieux en signe de protestation.
Le vice-président avait également tenté de bloquer les débats et le vote au Sénat en justice, mais plusieurs saisines ont été rejetées.
« Le Sénat a décidé de démettre de ses fonctions, par destitution, Son Excellence Rigathi Gachagua », a déclaré le président de la chambre haute Amason Kingi à l’issue de plusieurs jours d’audiences.
Il « cesse d’exercer ses fonctions ».
M. Gachagua a la semaine dernière promis de se battre « jusqu’au bout » et de contester destitution en justice si elle était votée.
– « Cartouche usagée » –
Les détracteurs du vice-président l’accusent de ne pas avoir soutenu le chef de l’Etat face aux manifestations qui demandaient sa démission. La répression de cette contestation a fait au moins 60 morts.
Le mouvement s’est essoufflé mais le ressentiment est toujours présent, et la crise actuelle au sommet de l’Etat est, pour de nombreux Kényans, un nouveau signe de déconnexion de la classe politique.
William Ruto est resté silencieux sur l’affaire, mais la motion de destitution a été déposée par un membre de la coalition présidentielle, Kenya Kwanza.
M. Gachagua a affirmé que la procédure « ne peut pas » avoir été lancée sans l’accord du chef de l’Etat, et estimé avoir été mis de côté par le gouvernement.
« Je suis désormais considéré comme une cartouche usagée », a-t-il déclaré la semaine dernière. « Ils veulent m’écarter et nommer quelqu’un d’autre, au mépris de la volonté des Kényans ».
M. Ruto a 14 jours pour nommer un nouveau vice-président.
Parmi les noms de successeurs potentiels évoqués par les médias kényans en cas de destitution figurent le ministre de l’Intérieur Kithure Kindiki, le ministre des Affaires étrangères Musalia Mudavadi et une gouverneure de comté, Anne Waiguru.
Avec AFP