Le ton est remonté d’un cran lundi entre la France et l’Algérie avec l’annonce, par Paris, de la décision des autorités algériennes d’expulser douze fonctionnaires français et la menace de représailles si Alger la maintenait.
L’Algérie a demandé à ces agents de quitter son territoire, a fait savoir lundi le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, précisant que cette décision était une réponse à l’arrestation de trois ressortissants algériens en France.
Parmi les douze agents, certains sont fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, a précisé à l’AFP une source diplomatique.
Vendredi, trois hommes, dont l’un employé de l’un des consulats d’Algérie en France, ont été mis en examen (inculpés) à Paris notamment pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, en relation avec une entreprise terroriste, selon le parquet national antiterroriste (Pnat) français.
Dans cette affaire qui concerne l’opposant au régime algérien exilé Amir Boukhors, un influenceur surnommé Amir DZ, ces hommes sont aussi poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Ils ont été placés en détention provisoire.
Dès samedi, le ministère algérien des Affaires étrangères avait dénoncé « l’argumentaire vermoulu et farfelu » du ministère de l’Intérieur français, fustigeant une « cabale judiciaire inadmissible » reposant « sur le seul fait que le téléphone mobile de l’agent consulaire inculpé aurait borné autour de l’adresse du domicile de l’énergumène » Amir Boukhors.
– Neuf mandats d’arrêt –
« Ce nouveau développement inadmissible et inqualifiable causera un grand dommage aux relations algéro-françaises », a prévenu le ministère.
Cet influenceur algérien, qui vit depuis 2016 en France, y a obtenu l’asile politique en 2023. Son pays le réclame pour le juger.
Alger a émis neuf mandats d’arrêt internationaux à son encontre, l’accusant d’escroquerie et d’infractions terroristes. En 2022, la justice française a refusé son extradition.
Âgé de 41 ans et suivi par plus d’un million d’abonnés sur TikTok, Amir DZ a été la cible « de deux agressions graves, une en 2022 et une autre dans la soirée du 29 avril 2024 », le jour de son enlèvement en banlieue sud de Paris, avant d’être relâché le lendemain, selon son avocat Eric Plouvier.
Réagissant à l’expulsion annoncée d’employés de l’ambassade de France à Alger, en guise de rétorsion, Jean-Noël Barrot a demandé lundi aux autorités algériennes de « renoncer à ces mesures d’expulsion sans lien avec la procédure judiciaire en cours ».
« Si la décision de renvoyer nos agents était maintenue, nous n’aurons d’autre choix que d’y répondre immédiatement », a-t-il averti.
Ces échanges tendus des derniers jours contrastent avec la volonté affichée tout récemment des deux pays de relancer leur relation bilatérale, qui se heurte à la difficulté de tisser des liens apaisés durablement.
Depuis des décennies, cette relation est marquée par des soubresauts diplomatiques.
Pourtant, le ministre des Affaires étrangères s’était entretenu début avril avec son homologue Ahmed Attaf et avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune, pour faire part du souhait de la France de « tourner la page des tensions actuelles » depuis Alger.
– « Irritants » –
Quelques jours auparavant, Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune avaient dépêché leurs ministres des Affaires étrangères pour clore une crise qui aura duré huit mois jour pour jour et avait précipité les deux pays près de la rupture diplomatique.
Celle-ci avait démarré fin juillet 2024 lorsque le président français avait apporté son soutien total à un plan d’autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, revendiqué depuis 50 ans par les indépendantistes du Polisario soutenus par Alger. L’Algérie avait immédiatement retiré son ambassadeur à Paris.
Puis, les tensions avaient été aggravées par « une série d’irritants », dont la question migratoire et l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal.
S’agissant de l’arrestation et la mise en examen d’un agent consulaire algérien, le ministère des Affaires étrangères avait dès samedi protesté auprès de l’ambassadeur français Stéphane Romatet, reprochant notamment l’absence de « notification par le canal diplomatique ».
« L’enlèvement est avéré y compris par un individu qui travaille à Créteil (en région parisienne, ndlr) au consulat général d’Algérie », a commenté dimanche le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
Il s’est en revanche montré prudent sur une éventuelle ingérence des autorités algériennes. « Le lien avec le pays n’est pas avéré », a-t-il dit, tout en soulignant qu’en tant que « pays souverain », « nous entendons que sur le sol français nos règles soient respectées ».
Selon l’Intérieur, ce dernier se trouve lundi à Rabat, où il doit évoquer avec son homologue marocain leur coopération mutuelle face à la criminalité organisée ainsi que la question des laissez-passer consulaires, les relations étant désormais apaisées entre les deux pays.
Avec AFP