De sérieux défis attendent le président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema, qui a prêté serment samedi à Akanda, près de Libreville, pour prendre la tête d’un pays riche en pétrole mais à l’économie en berne.
Le général Oligui Nguema, auteur d’un coup d’État le 30 août 2023 qui a fait tomber la dynastie Bongo au pouvoir pendant 55 ans, a ainsi mis un point final à la transition de 19 mois qu’il a dirigée.
Plébiscité sans surprise le 12 avril avec 94,85% des voix pour un mandat de sept ans, il a été investi au stade d’Angondjé, devant environ 40.000 personnes. Le nouveau président a dit mesurer « avec gravité, l’immensité de la charge qui lui incombe ».
Dans la foulée de l’élection, le nouveau chef de l’État jouit d’une forte popularité. Mais au lendemain du bain de foule de l’investiture, il fait face à de nombreuses attentes économiques et sociales.
– Infrastructures et dette-
Parmi les questions à régler, le réseau électrique, géré par la société publique SEEG, connaît des défaillances régulières par manque d’investissements, qui nourrissent le mécontentement populaire.
Le déficit d’infrastructures est criant: il existe une « direction des autoroutes » mais pas d’autoroute. Malgré les plans successifs, seuls 2.000 des 10.000 km de routes sont « praticables », selon les données officielles.
Face à cet état des lieux alarmant, le chef de l’État se présente comme un « bâtisseur ». Il se targue d’avoir lancé ou relancé durant la transition de nombreux chantiers de construction.
La construction d’une ligne ferroviaire nord-sud Belinga-Booué-Mayumba, le port en eaux profondes de Mayumba (sud-ouest) et le barrage hydroélectrique de Booué (centre), figurent parmi les principaux grands projets présidentiels.
Mais Tidiane Dioh, consultant international, spécialiste de l’Afrique sub-saharienne, souligne la dette du pays qui n’a cessé de se creuser: 72,1% du PIB en 2023, 73,3% en 2024, projection à 80% pour 2025. M. Oligui a promis dans son discours de travailler avec le FMI et la Banque mondiale, « pour mieux restituer notre dette extérieure ».
– Gouvernance et chômage –
Selon M. Dioh, le pays doit avant tout régler « le problème de l’emploi, le problème des disparités entre les zones rurales et les zones urbaines et le problème des arriérés de paiement ».
S’il juge que les objectifs de redressement sont « à la portée » du nouveau pouvoir, il prévient néanmoins que « 60 ans de pratiques (de gouvernance, NDLR) ne peuvent pas être effacées d’un coup ».
Face à la corruption endémique, qui pourrait entraver son action, le président a juré samedi de « mettre fin à l’impunité, à la corruption, au laxisme et à la paresse ».
Par ailleurs, confronté à l’épuisement des ressources pétrolières, le Gabon gagnerait à sortir de « l’économie de rente ». Même si le pétrole, pilier de l’économie, génère encore des milliards de bénéfices.
Pour François Gaulme, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (IFRI), « il y a toujours la dépendance envers le pétrole ». « Il faut diversifier l’économie et ça n’a jamais été fait à grande échelle », insiste-t-il.
Les financiers internationaux, eux, préconisent de diminuer les dépenses publiques, de réévaluer l’assiette fiscale et de valoriser les crédits carbone de ce pays qualifié par la Banque mondiale de « pionnier en matière d’écologie ».
En outre, le président devra répondre aux attentes des jeunes, frappés par un taux de chômage d’environ 40%, et de plus de 60% en milieu rural, selon les données officielles. Au Gabon, selon la Banque mondiale, la moitié de la population d’environ 2,3 millions d’habitants a moins de 20 ans.
-Restaurer la confiance-
Dans son programme, M. Oligui a insisté sur le renforcement de « l’adéquation formation-emploi pour générer 160.000 emplois » hors administration publique. Déjà, il affirme avoir créé 12.000 emplois dans le secteur privé.
Ce militaire de carrière a fait campagne autour de six « piliers »: réforme du secteur de l’eau et de l’électricité, entrepreneuriat des jeunes, logements et infrastructures de transport, justice sociale et capital humain, développement durable, gouvernance réformée.
Outre les enjeux intérieurs, le président aura la tâche de remettre le pays dans le concert des nations.
Mercredi, l’Union africaine (UA) a annoncé la levée des sanctions visant le Gabon, qui avait été suspendu de l’organisation panafricaine après le coup d’État d’août 2023. Et dans son discours de samedi, M. Oligui a dévoilé l’ambition d’accueillir le sommet de l’Union africaine en 2027 et celui de la francophonie en 2030.
Sur Gabon 24, le ministre de l’Economie Mark-Alexandre Doumba a estimé que « le retour à l’ordre constitutionnel » allait restaurer la confiance des bailleurs.
Avec AFP