A peine arrivés dans l’Est libyen, des ministres européens sommés de repartir

Le Commissaire européen, Magnus Brunner. © Facebook M. Brunner

« Persona non grata »: un commissaire européen et des ministres grec, italien et maltais, qui venaient d’arriver mardi à Benghazi pour une visite, ont été sommés à leur arrivée à l’aéroport de rebrousser chemin par les autorités de l’Est libyen.

Dénonçant une « violation flagrante des normes diplomatiques », le gouvernement de l’Est – rival du gouvernement d’unité nationale reconnu par l’ONU, basé à Tripoli – a indiqué avoir informé le commissaire européen chargé des questions migratoires et les ministres l’accompagnant de l’annulation de leur visite.

Il a intimé l’ordre aux responsables, qui arrivaient de Tripoli, de « quitter le territoire libyen immédiatement ».

Réagissant sur X, le commissaire européen, Magnus Brunner, a simplement constaté que les réunions prévues à Benghazi n’avaient « finalement pas pu avoir lieu ».

« Il y a eu une violation du protocole, ce qui est regrettable », a déclaré pour sa part un responsable européen, parlant aussi d’un probable « malentendu ».

Magnus Brunner, accompagné des ministres italien et maltais de l’Intérieur, Matteo Piantedosi et Byron Camilleri, ainsi que du ministre grec des Migrations, Thanos Plevris, avait rencontré dans la matinée à Tripoli le chef du gouvernement d’unité nationale (GUN), Abdelhamid Dbeibah, pour évoquer l’immigration clandestine.

Ensuite les quatre responsables européens ont été considérés comme « persona non grata », selon un communiqué signé Oussama Hamad, chef du gouvernement de l’Est. Ce dernier a appelé à « respecter la souveraineté de l’Etat libyen », sans plus de détails.

Dans un communiqué paru dimanche soir, M. Hamad avait annoncé qu’il était obligatoire pour les membres des missions diplomatiques et des organisations internationales de demander un visa et qu’ils devaient « s’abstenir de toute rencontre ou visite officielle en Libye sans l’accord préalable » de son gouvernement.

Le ministre italien Matteo Piantedosi est rentré en Italie, selon une source gouvernementale, qui a souligné à l’AFP que les relations entre l’Italie et la Libye ne seraient pas affectées par cet incident.

En Grèce, le secrétaire d’Etat au ministère des Affaires étrangères, Yannis Loverdos, a déclaré sur la chaîne publique ERT que cette visite en Libye « était une mission européenne » préparée depuis longtemps en respectant le droit international.

« Les négociations avec la Libye sont difficiles », a-t-il ajouté.

– Affaiblir l’Ouest? –

La Libye peine à retrouver la stabilité depuis le soulèvement de 2011 qui mit fin à 42 ans de dictature de Mouammar Kadhafi. Deux gouvernements rivaux s’y disputent le pouvoir: le GNU installé à Tripoli (ouest), dirigé par Abdelhamid Dbeibah et reconnu par l’ONU et la communauté internationale, l’autre à Benghazi (est), soutenu par le puissant maréchal Khalifa Haftar.

Emad Badi, expert associé à l’Atlantic Council, voit plusieurs lectures à l’incident de mardi.

Une première explication pourrait être qu’Oussama Hamad a ainsi cherché à forcer une reconnaissance de son gouvernement au plan international, selon lui.

« Au moment où les activités diplomatiques se sont intensifiées dans l’Est de la Libye, principalement centrées sur la famille Haftar et pas sur le gouvernement (parallèle), Hamad lui-même et certains de ses ministres ont intérêt à être reconnus comme les égaux du gouvernement libyen dans l’Ouest », analyse-t-il.

Mais il est bien sûr « évident que cela n’aurait pas pu se concrétiser sans l’aval de Haftar », souligne-t-il.

Diplomates accrédités auprès du gouvernement Dbeibah, responsables onusiens et délégations étrangères se rendent de plus en plus fréquemment dans l’Est de la Libye, mais ne rencontrent que les parlementaires et les membres de la famille Haftar.

Emad Badi pense en outre qu’en voulant imposer aux diplomates de demander l’agrément de l’Est pour les détails de leurs déplacements, les autorités ont vu une opportunité d’affaiblir le gouvernement d’unité nationale de Tripoli.

« Ceci imposerait, comme un fait accompli, la reconnaissance du gouvernement de l’Est comme interlocuteur légitime », affirme-t-il.

D’autant plus que cet incident intervient au moment où le GNU se remet d’une crise qui a commencé à la mi-mai avec des violences à Tripoli entre des forces loyalistes et de puissants groupes armés que le gouvernement tente de démanteler.

Des manifestants appellent toujours régulièrement dans la capitale libyenne au départ du gouvernement Dbeibah.

Avec AFP

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