Trois jours après le passage de ce cyclone, le plus intense qu’ait connu Mayotte depuis 90 ans, l’archipel est en manque de tout, et les habitants s’alarment de la situation sanitaire qui se dégrade.
Le couvre-feu sera en place de 22H00 à 04H00 locales pour des raisons de sécurité, afin d’éviter les pillages, a expliqué le ministère de l’Intérieur.
« Face à cette tragédie qui bouleverse chacun de nous, je décréterai un deuil national », a annoncé lundi soir M. Macron, qui ira « dans les prochains jours » à Mayotte « en soutien » à la population et à toutes les personnes mobilisées.
Pour l’heure, le bilan officiel s’élève à 21 morts à l’hôpital et le préfet local a mis sur pied une « mission de recherche des morts ». Mais les autorités redoutent « plusieurs centaines » de morts, peut-être même « quelques milliers » dans ce département le plus pauvre de France.
« Le bilan sera lourd, trop lourd », a averti lundi le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.
Le décompte est d’autant plus compliqué que Mayotte est une terre de forte tradition musulmane et que, selon les rites de l’islam, de nombreux défunts ont vraisemblablement été enterrés dans les 24 heures.
« L’île est totalement dévastée », a expliqué M. Retailleau, à La Réunion, territoire français distant de 1.400 km à vol d’oiseau de Mayotte, d’où il revenait d’un déplacement, précisant que « 70% des habitants ont été gravement touchés ».
Le ministre a également annoncé l’arrivée « dans les prochains jours » de 400 gendarmes supplémentaires pour prêter main forte aux 1.600 gendarmes et policiers présents sur l’archipel, tout en précisant qu’il n’y avait « pas eu vraiment de pillage » jusqu’à présent.
Le cyclone a ravagé samedi le territoire de l’océan Indien, où environ un tiers de la population vit dans de l’habitat précaire, totalement détruit.
Chido a probablement été favorisé par des eaux de surface proches de 30°C, ce qui fournit plus d’énergie aux tempêtes, un phénomène de réchauffement climatique déjà observé ailleurs cet automne.
– « Besoins vitaux » –
La priorité est d’assurer les « besoins vitaux » des habitants en eau et en nourriture, a insisté M. Retailleau.
« On commence à manquer d’eau. Il nous reste quelques bouteilles mais il n’y a quasiment plus de stocks dans les magasins », s’inquiète auprès de l’AFP Antoy Abdallah, 34 ans, habitant de Tsoundzou.
« On risque une crise sanitaire », a alerté Ben Issa Ousseni, le président du conseil départemental.
Selon le ministère de l’Intérieur, 50% de l’eau courante sera rétablie dans les 48 heures.
Sur l’archipel, premier désert médical de France, l’unique hôpital, très endommagé, « reprend progressivement son activité » et sera soutenu par un hôpital de campagne dès jeudi, a indiqué M. Retailleau.
La situation du système de soins est « très dégradée » à Mayotte, a déclaré la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq. Lundi, 25 premiers patients « en situation urgente » ont été évacués vers La Réunion.
Autre priorité pour les autorités: l’envoi de tentes et de bâches pour rétablir des habitats, totalement détruits ou la toiture arrachée par des rafales de vent qui ont atteint plus de 220 km/h.
Selon la Croix-Rouge française, 20 tonnes de matériel sont en cours d’acheminement.
– Solidarité –
Face à l’urgence, le nouveau Premier ministre François Bayrou a appelé à la « solidarité nationale » lundi soir, depuis son conseil municipal à Pau, dans le sud-ouest de la France. Ce déplacement a provoqué de vives critiques, alors qu’une cellule de crise était réunie à Paris. La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a affirmé mardi matin qu’elle aurait « préféré que le Premier ministre prenne l’avion pour Mayotte ».
M. Retailleau, connu pour ses positions droitières, a d’ores et déjà souligné que l’archipel de Mayotte ne pourra pas être reconstruit « sans traiter la question migratoire ».
Près de la moitié de la population est composée d’immigrés venus des Comores voisines ou d’autres pays d’Afrique, selon l’Institut national de la statistique.
Sur place, la solidarité s’organise malgré des conditions dégradées, alors qu’une grande partie de l’archipel est toujours privée d’électricité, de réseau mobile et d’internet, pourtant « prioritaire(s) pour permettre la sécurité et la reprise économique », a déploré le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci.
« On est complètement coupé du monde. On n’a accès à aucune information », se désole Antoy Abdallah.
Les secours cherchent toujours des sinistrés et s’attendent à trouver de nombreuses victimes dans les décombres des bidonvilles, très peuplés, notamment dans les hauteurs de Mamoudzou, la capitale ayant appelé lundi ses habitants majeurs et en « bonne condition physique » à « renforcer les équipes sur le terrain ».
Les appels à la solidarité et les minutes de silence se sont multipliés y compris à l’étranger, les Etats-Unis indiquant être prêts à « offrir une aide humanitaire appropriée ».
Avec AFP