Ancien commissaire européen, M. Barnier, issu de la droite, doit se rendre à 10H00 (09H00 GMT) au palais de l’Elysée pour présenter sa démission. Le chef de l’Etat s’adressera de son côté aux Français à 20H00 (19H00 GMT), a indiqué son entourage.
Une intervention nécessaire tant la crise politique est profonde depuis la dissolution surprise de l’Assemblée nationale en juin voulue par M. Macron, après la déroute de son camp aux européennes face à l’extrême droite.
Les législatives anticipées qui ont suivi ont abouti à la formation d’une Assemblée nationale fracturée en trois blocs (alliance de gauche, macronistes et droite, extrême droite), dont aucun ne dispose de la majorité absolue. Après 50 jours de tractations, un gouvernement de droite et du centre avait finalement été nommé début septembre.
Trois mois plus tard, celui-ci se retrouve donc balayé par l’Assemblée. Une première en France depuis 1962. Mais aussi un triste record pour l’exécutif sortant: jamais un gouvernement n’avait été aussi éphémère durant la Ve République française, proclamée en 1958.
La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a demandé jeudi matin à M. Macron de nommer « rapidement » un Premier ministre pour « ne pas laisser s’installer le flottement ».
– « Temps inconnus » –
Le coup est d’autant plus rude pour le pouvoir que la censure a été votée largement, après trois heures et demie de débats très agités dans un hémicycle comble, par 331 voix, quand 288 étaient requises.
Les parlementaires de gauche et du parti d’extrême droite Rassemblement national (RN), ainsi que ses alliés, ont voté ensemble pour censurer le gouvernement sur des questions budgétaires, alors que la France est très fortement endettée.
Le parti de gauche radicale La France insoumise (LFI) a aussitôt réclamé la démission du chef de l’Etat. La présidente du groupe LFI à l’Assemblée, Mathilde Panot, a demandé à « Emmanuel Macron de s’en aller », réclamant « des présidentielles anticipées ».
La cheffe de l’extrême droite française Marine Le Pen a semblé plus mesurée dans sa première réaction, assurant qu’elle laisserait « travailler » le futur chef du gouvernement pour « co-construire un budget acceptable pour tous ». « Je ne demande pas la démission d’Emmanuel Macron », a-t-elle dit.
Elu en 2017 et réélu en 2022, le chef de l’Etat, dont le mandat court jusqu’en 2027, a par avance qualifié de « politique fiction » les appels à sa démission. Il a affirmé mardi qu’il comptait servir son mandat « jusqu’à la dernière seconde ».
Si la chute de Michel Barnier était perçue comme une « mort annoncée », la presse française s’inquiète jeudi des « temps inconnus qui se profilent ».
« Quelles suites après la chute de Barnier? », titrent les Dernières nouvelles d’Alsace. « Et maintenant? », s’interroge l’Est Eclair. Même son de cloche du quotidien Le Parisien, qui martèle: « Après la censure le grand flou ».
La situation laisse les Français partagés: 53% approuvent la décision des députés, mais 82% sont inquiets de ses conséquences, selon un sondage Toluna Harris Interactive pour RTL.
– « La réalité de la dette » –
Tout juste rentré d’une visite d’Etat en Arabie saoudite, le président français, au plus bas dans les sondages, doit désormais désigner un nouveau Premier ministre, ce qu’il compte faire rapidement, selon plusieurs de ses proches.
Mais tant la gauche que le centre ou la droite paraissent désunis pour s’entendre sur un nouveau gouvernement de coalition.
Marine Le Pen, triple candidate malheureuse à l’élection présidentielle, dont deux fois face à M. Macron, a, elle, les yeux rivés sur le prochain scrutin présidentiel prévu en 2027. Mais son destin politique est suspendu à une décision de justice attendue le 31 mars. Elle risque cinq ans d’inéligibilité avec effet immédiat pour un détournement de fonds du Parlement européen au profit de son parti.
Or, la situation budgétaire de la deuxième économie de la zone euro requiert un exécutif rapidement. Attendu à 6,1% du PIB en 2024, le déficit public ratera son objectif de 5% en l’absence de budget, et l’incertitude politique pèsera sur le coût de la dette et la croissance.
La France consacre 60 milliards d’euros par an à payer les intérêts de sa dette, soit plus que pour sa défense ou son enseignement supérieur, a rappelé M. Barnier mercredi avant le vote. Et d’avertir : « On peut dire ce qu’on veut, c’est la réalité ».
L’agence de notation Moody’s a estimé dans une note publiée dans la nuit que la chute du gouvernement « rédui(sait) la probabilité d’une consolidation des finances publiques » de la France et « aggrav(ait) l’impasse politique du pays ».
Avec AFP