Yaya Dillo Djérou, mort mercredi dans l’assaut contre le QG de son parti, était non seulement le plus farouche opposant au chef de la junte, son cousin le général Mahamat Idriss Déby Itno, mais aussi son rival le plus redouté pour la présidentielle prévue dans deux mois.
Car il était issu du même clan familial Déby et de la même ethnie Zaghawa qui régissent le Tchad depuis 33 ans.
Ex-rebelle armé devenu ministre puis opposant politique, il était le neveu du défunt maréchal Idriss Déby Itno, qui régna d’une main de fer sur ce vaste pays sahélien 30 années durant, jusqu’à sa mort le 19 avril 2021, sous les balles d’une énième rébellion alors qu’il se rendait au front.
Il était donc le cousin de Mahamat Déby, jeune général proclamé par l’armée président de transition, à 37 ans, à la tête d’une junte de 15 généraux, le lendemain du décès de son maréchal de père.
Né il y a 49 ans dans la même province désertique de l’Ennedi Est que son célèbre oncle, Yaya Dillo appartenait au clan familial mais surtout à cette ethnie des Zaghawa, très minoritaire dans le pays mais qui monopolise les rouages essentiels de l’Etat et de la toute puissante armée depuis l’arrivée au pouvoir en 1990 d’Idriss Déby, à la suite d’un coup d’Etat.
C’est cette appartenance qui semblait inquiéter le plus son cousin Mahamat ces derniers temps, à mesure que se fissurait ostensiblement le clan familial et l’appareil militaire et d’Etat Zaghawa. De sorte que bruissait chaque jour un peu plus la rumeur d’un possible coup d’Etat menée par une frange d’officiers et caciques, autant par hostilité à Mahamat que par fidélité à Yaya.
Ce dernier a alterné les allégeances au gré des multiples rébellions qui ont jalonné la présidence d’Idriss Déby.
– Réfractaire et rival –
Diplômé de l’université d’Ottawa en télécommunications et management, Yaya Dillo avait fondé en 2005 le Socle pour le Changement, l’Unité et la Démocratie (SCUD) à la tête duquel il va être l’un des piliers de la rébellion armée Zaghawa contre Idriss Déby aux côtés d’autres, dont les jumeaux Timan et Tom Erdimi, eux-mêmes neveux d’Idriss Déby…
Mais il abandonne la lutte armée en 2008 pour rallier son oncle qui en fait son ministre des Mines puis conseiller à la présidence notamment.
Il paiera ensuite très cher, en perdant des proches et sa propre vie, en devenant à nouveau réfractaire aux pouvoirs des Déby père puis fils, un rival politique à écarter à tout prix des urnes.
Car trois ans jour pour jour avant sa mort, un assaut par l’armée de sa résidence et siège de son parti très similaire à celui de mercredi, a tué sa mère et l’un de ses fils.
A deux mois de la présidentielle d’avril 2021 (comme en 2024) il accusait son oncle de vouloir l’écarter de la course à la présidence. Il s’était attaqué à un tabou, accusant publiquement la Première dame et jeune épouse d’Idriss Déby de détourner massivement des fonds publics.
C’est pour qu’il réponde d’un chef de « diffamation » que l’armée donnait l’assaut qui fut fatal à sa mère et son fils. Lui parvenait à s’échapper et fuir le pays avec, assurait-on déjà, l’aide d’officiers Zaghawas entre autres.
Et la Cour suprême invalidait dans la foulée sa candidature contre Déby père.
Trois ans plus tard, à deux mois aussi de la présidentielle prévue le 6 mai 2024, le pouvoir de Mahamat Déby l’accusait d’être à l’initiative d’un complot visant à « assassiner » le président de cette même institution. Et déclenchait l’assaut contre le siège de son Parti socialiste sans frontière (PSF) qui lui a été fatal.
Avec AFP