Tchad : le gouvernement en alerte sur la situation sécuritaire à N’Djamena

Tchad : le gouvernement en alerte sur la situation sécuritaire à N'Djamena. AFP

Véhicules et passants ont fait l’objet d’une « fouille générale systématique » à N’Djamena dans la nuit de mercredi à jeudi, après des tirs près du siège d’un parti d’opposition tchadien, accusé par le gouvernement d’une attaque meurtrière la nuit précédente contre les services de renseignement.Le staccato des armes automatiques qui a retenti à la mi-journée a créé un mouvement de panique dans le centre de la capitale tchadienne, où se trouve le QG du Parti socialiste sans frontières (PSF) qui était assiégé par l’armée au cours de la journée.

Le représentant de l’ONU en Afrique centrale a indiqué mercredi dans un communiqué suivre « avec une vive préoccupation les évènements » et appelle « tous les acteurs au calme et à la retenue » au Tchad, en cette « dernière étape de sa transition politique ».

Succès Masra, ancien opposant récemment nommé Premier ministre, a évoqué des « moments malheureux et douloureux » dans un message publié sur X et exprimé son « soutien total et inconditionnel au chef de l’Etat », aux « forces de défense et sécurité » et aux « institutions républicaines. »

Les évènements se sont produits au lendemain de l’annonce du calendrier de l’élection présidentielle au Tchad, dont le premier tour aura lieu le 6 mai.

Depuis la mi-journée de mercredi, le réseau téléphonique est fortement perturbé alors que l’internet mobile, majoritairement utilisé par les Tchadiens, est totalement interrompu, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Une attaque contre les locaux de l’Agence nationale de sécurité de l’Etat (ANSE) avait eu lieu dans la nuit de mardi à mercredi après l’arrestation d’un membre du PSF, accusé par le gouvernement de « tentative d’assassinat contre le président de la Cour suprême », selon un communiqué du gouvernement lu au journal de la télévision nationale.

Dans son communiqué, le gouvernement parle d' »une attaque délibérée des complices de cet individu menée par les éléments du PSF et à leur tête le président de ce mouvement Yaya Dillo », contre les bureaux de l’ANSE.

« Je n’étais pas présent », a assuré dans la matinée à l’AFP Yaya Dillo, farouche opposant au pouvoir pressenti candidat à la présidentielle, qui nie son implication et dénonce un « mensonge ».

« Le but recherché est de m’empêcher, de m’éliminer physiquement, (…) pour me faire peur afin que je n’aille pas à l’élection », a ajouté l’opposant qui avait déjà dénoncé « une mise en scène » concernant les allégations de tentative d’assassinat contre le président de la Cour suprême.

« Toute personne cherchant à perturber le processus démocratique en cours dans le pays sera poursuivie et traduite en justice », a ajouté le gouvernement dans son communiqué.

« Tension »

A 37 ans, le général Mahamat Idriss Déby Itno avait été proclamé par l’armée, le 20 avril 2021, président de la transition, à la tête d’une junte de 15 généraux, après la mort de son père Idriss Déby Itno, tué par des rebelles en se rendant au front, selon la junte.

Il avait immédiatement promis de rendre le pouvoir aux civils en organisant des élections après 18 mois et assuré plus tard qu’il ne s’y présenterait pas, une échéance finalement repoussée de deux ans.

S’il ne s’est pas encore prononcé, le Mouvement patriotique du salut, parti majoritaire fondé par son défunt père, l’a, lui, récemment investi comme son candidat à la présidentielle.

Les forces d’opposition craignent la perpétuation d’une « dynastie Déby » dans le pays d’Afrique centrale, le deuxième le moins développé au monde selon l’ONU.

Avant son fils, Idriss Déby Itno, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat, avait dirigé le pays d’une main de fer de 1990 jusqu’à sa mort en 2021.

Yaya Dillo était candidat à la présidentielle de 2021 contre son oncle, Idriss Déby Itno. Il avait dû s’enfuir et se cacher fin février 2021 après qu’une tentative des forces de sécurité de l’arrêter à son domicile s’était soldée, après de long échanges de tirs, par plusieurs morts, dont celle de sa mère et de l’un de ses fils.

Le pouvoir de M. Déby père lui reprochait d’avoir accusé la Première dame de corruption, mais redoutait en réalité sa candidature.

Yaya Dillo draine derrière lui une composante importante du clan Zaghawa, ethnie très minoritaire en nombre dont le clan Déby qui dirige le pays depuis 33 ans est issu, tout comme les principaux officiers de l’armée.

M. Dillo était rentré au pays sous la présidence de Mahamat Déby et disait avoir « pardonné » la mort de ses proches.

Il est resté néanmoins l’un des plus grands opposants à la junte et un pilier d’une certaine frange du clan Zaghawa, qui conteste l’autorité et la légitimité de Mahamat Déby, et pourrait être soutenu par une partie des officiers de l’armée, notamment en cas de coup d’Etat.

Saleh Déby, plus jeune frère du défunt président Idriss Déby, a récemment rejoint le parti de Yaya Dillo, après l’investiture de Mahamat Idriss Déby comme candidat à la future élection présidentielle.

« Le ralliement de Saleh Déby n’a fait qu’augmenter la tension », analyse Evariste Ngarlem Toldé, enseignant-chercheur en sciences politiques et recteur d’une université de N’Djamena.

Avec AFP

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