À l’occasion de la Journée internationale de la photographie, célébrée chaque 19 août, hommage est rendu à ces artistes qui racontent le monde à travers leurs objectifs. La photographie, au-delà de l’expression artistique, est une mémoire vivante de notre société. Seydou Camara, Directeur artistique de YamarouPhoto, fait partie de ces conteurs visuels qui immortalisent avec talent l’histoire contemporaine du Mali et du monde.
Diplômé en sciences juridiques de l’ancienne ENA de Bamako, Seydou Camara a choisi une trajectoire singulière : sublimer la photographie d’art contemporain et la faire rayonner aux quatre coins du globe. Depuis près de dix ans, il dirige le collectif YamarouPhoto, une plateforme dynamique composée de jeunes photographes qui multiplient les initiatives pour valoriser l’art visuel, dont Bamako est devenue l’une des capitales incontournables.
Certains penseurs universalistes affirment que « l’amour n’a pas de couleur ». C’est cet amour universel qui a conduit Camara à délaisser les arcanes juridiques pour se consacrer à la lumière, à l’émotion et à la transmission par l’image. Il capture avec passion les douleurs, les espoirs, les luttes et les rêves d’un Mali en quête de paix et de réconciliation.
« Les photographes d’art doivent aujourd’hui se mettre au service de la paix et du vivre-ensemble. Nos œuvres doivent nourrir le débat et susciter la réflexion », confie-t-il.
Photographie et engagement communautaire
Ces dernières années, YamarouPhoto a multiplié les projets à portée sociale. Le collectif s’est engagé dans la promotion de la photographie au sein de communautés maliennes durement touchées par la précarité et le manque d’éducation. Dans un pays où la photo reste souvent cantonnée aux mariages, baptêmes et autres cérémonies, YamarouPhoto œuvre pour redonner à cet art ses lettres de noblesse.
Face au désintérêt croissant pour la photographie d’art, alors même que le Mali bénéficie d’une reconnaissance internationale dans ce domaine, le collectif a lancé une véritable croisade. À travers des programmes de formation et de professionnalisation, notamment à Sikasso et Kayes, de jeunes talents sont accompagnés pour faire de la photographie un levier d’expression et d’émancipation.
Parmi les initiatives phares : des enfants des rues de Mopti, des jeunes des quartiers périphériques de Bamako, ainsi que des orphelins de la commune IV, ont été initiés à l’art photographique à travers le projet « Entre fragilité et résilience ». À travers leur objectif, ils apprennent à raconter le monde autrement.
YamarouPhoto se veut un espace de formation, de réflexion et d’échange entre professionnels et grand public. Le collectif organise régulièrement des ateliers d’initiation, des formations aux techniques de prise de vue et des sessions de création artistique contemporaine à destination des élèves, étudiants et passionnés.
Un nom, une philosophie
Le mot “Yamarou” puise ses origines dans l’histoire du prince Mandé Bugari, frère cadet du roi Sunjata Keita. Suivant ce dernier dans son exil à Méma, Bugari était un jeune homme débrouillard et ingénieux, capable de tout apprendre par lui-même. Une chanson célèbre lui est dédiée :
« Oh Yamarou, l’amusement n’empêche pas le sérieux. »
« Oui, telle était sa devise. »
« Oh Yamarou, l’amusement n’empêche pas le sérieux. »
« C’est en hommage à cette philosophie que nous avons choisi ce nom », explique Seydou Camara.
Une trajectoire internationale
L’enfant de Ségou, à qui l’on prédestinait une carrière administrative, a conquis la scène photographique mondiale. Il a participé à de prestigieux événements internationaux, tels que Documenta 14 à Athènes, Documenta 15 à Kassel (Allemagne), ou encore aux Rencontres Africaines de la Photographie de Bamako (8e et 11e éditions). Il a également été finaliste de la bourse Howard Chapnick en 2022.
Actuellement ses œuvres sont exposées dans trois grands prestigieux endroits culturels du monde, notamment aux Etats-Unis à Wilson, en Allemagne au musée de cinq continents de Munich et à Arles en France en collaboration avec la galerie Z.
En 2018, il figure parmi les 100 photographes exposés au festival de Wilson. Il reçoit le prix de la Fondation Blachère, et expose à Stories en Égypte, ainsi qu’aux Rencontres Internationales d’Art Contemporain d’Alger. Son travail est aussi présenté à Stockholm, en Suède.
Ses œuvres attirent l’attention de grandes ONG (HCR, Handicap International, PNUD, MSF, etc.) et de nombreux médias internationaux (Le Monde, Libération, IS, One World, etc.). Ses images sont publiées dans des magazines et catalogues de renom, tels que L’Insensé et Aperture.
Korêdouga : le studio qui fait sourire l’Europe
En octobre 2023, Seydou Camara lance un projet culturel unique à Amsterdam : un studio photo éphémère rendant hommage aux Korêdouga, ces « bouffons sacrés » du Mali, membres d’une confrérie traditionnelle aux habits bigarrés et porteurs de joie.
Ce studio démontable, décoré de tissus multicolores à l’image des Korêdouga, contient des boubous et des objets rituels. Les participants s’y font photographier en dansant au rythme de la musique, dans un moment de joie partagée.
« Ces objets sacrés nous permettent de capter la joie et de faire naître des milliers de sourires, même parmi ceux qui traversent des moments sombres. C’est ce que nous avons vécu avec les réfugiés ukrainiens dans un camp près d’Amsterdam », raconte Seydou Camara.
De retour à Amsterdam en 2024, les membres de YamarouPhoto ont animé des conférences lors du festival Africadag, pour faire découvrir au public la philosophie des Korêdouga à travers la photographie.
Un nouveau rendez-vous pour la culture malienne
En 2025, YamarouPhoto ambitionne d’organiser un grand événement culturel : IBI, une cérémonie visant à récompenser les meilleurs acteurs culturels du Mali sur les trois dernières années.
« Ce sera un événement unique au Mali, inshallah », promet Seydou Camara.
Seydou Camara incarne une génération d’artistes engagés, capables de faire dialoguer tradition et modernité, local et international, art et action sociale. Par son regard, il réinvente le rôle du photographe : non plus simple témoin, mais acteur du changement.
Mohamed Camara