L’opposition et la société civile sénégalaises se sont alliées jeudi dans un « Front de la résistance » qui appelle à manifester à partir de samedi pour la tenue de la présidentielle avant le 2 avril, date de fin de mandat du président Macky Sall.
Les Sénégalais étaient censés se rendre aux urnes le 25 février. Mais à trois semaines du scrutin, invoquant les profondes dissensions causées par la validation des candidatures et le risque de nouvelles violences après des heurts meurtriers en 2021 et 2023, le président Sall a décrété le report de l’élection, au prix d’une grave crise politique.
Le report, dénoncé comme un « coup d’Etat constitutionnel » par l’opposition, a provoqué une commotion dans l’opinion et des manifestations qui ont fait quatre morts. Le Conseil constitutionnel a finalement déjugé M. Sall, et le pays est depuis dans l’attente d’une nouvelle date de scrutin.
« Le front de résistance (…) se mobilise pour un front populaire massif prêt à défendre avec vigueur notre constitution et à garantir l’intégrité de notre processus électoral », a annoncé l’une de ses coordinatrices, Mme Thiaba Sy Camara, lisant une déclaration commune devant la presse à Dakar.
Ce front commun réunit la plateforme de la société civile Aar Sunu Election (« Préservons notre élection »), le Front des candidats à l’élection présidentielle du 25 février, qui regroupe 16 des 19 candidats à la présidentielle, la coalition d’opposition F24 et le Front pour la défense de la démocratie.
« Cette unité d’action doit permettre de mener des actions collectives, en synergie pour éviter la dispersion des forces qui luttent contre le coup d’Etat en cours », a dit Aar Sunu Election dans un communiqué.
Une première manifestation à l’initiative de l’une des composantes du front est prévue samedi à Dakar. Une autre le 6 mars à l’appel de la nouvelle plateforme.
Le « Front de la résistance » exige le départ de Macky Sall à l’expiration de son mandat et à d’ores et déjà mis en garde les partenaires du pays: « Toute collaboration avec le régime illégitime de Macky Sall après le 2 avril 2024 sera considérée comme une complicité dans la déstabilisation de notre pays ».
Les signataires s’opposent catégoriquement à un projet de loi d’amnistie approuvé mercredi par le gouvernement et qui doit être voté par l’Assemblée nationale: « Toute tentative législative visant à établir l’impunité sous couvert d’amnistie sera combattue avec la plus grande fermeté ».
Plus tôt dans la matinée, le président sénégalais Macky Sall a réaffirmé qu’il partirait le 2 avril, semblant rejeter une des préconisations d’un forum à son initiative boycotté par la quasi totalité de l’opposition.
– « Pressé d’en finir » –
Les conclusions de ce « dialogue national » organisé lundi et mardi ont recommandé que l’élection présidentielle se tienne le 2 juin, soit deux mois après la fin officielle de son mandat, et que le président reste en fonction jusqu’à l’installation de son successeur.
Le chef de l’Etat, élu en 2012 et réélu en 2019 mais non candidat en 2024, a indiqué mercredi au cours d’un conseil des ministres qu’il allait demander l’avis du Conseil constitutionnel sur ces recommandations.
Macky Sall a réaffirmé jeudi que la date de son départ reste « absolument ferme », alors que l’opposition le soupçonne de vouloir se maintenir au pouvoir après son annonce du report de la présidentielle.
« Le Dialogue national a proposé le 2 juin 2024 comme nouvelle date des élections présidentielles au Sénégal. Je remercie les forces vives pour ces assises. Toutefois je tiens à préciser que je quitterai mes fonctions au terme de mon mandat le 2 avril, comme je l’ai déjà indiqué », a-t-il écrit.
M. Sall a dit à plusieurs reprises ces derniers jours qu’il partirait le 2 avril. Mais il avait ouvert la voie à une prolongation lundi soir en déclarant être prêt « à rester encore même si ce n’est pas mon choix (…) parce que je suis pressé d’en finir et de partir ».
Un renvoi du scrutin au 2 juin et un départ du président Sall le 2 avril ouvriraient la voie à une situation inédite et à un vide juridique au regard de la Constitution, qui ne prévoit pas ce cas de figure.
« Face à cette situation qui risque de plonger notre pays dans une instabilité sociale indescriptible, la plateforme a décidé d’intensifier la lutte », a indiqué Aar Sunu Election.
Selon elle, Macky Sall « persiste dans son refus de respecter le calendrier républicain et la légalité constitutionnelle ».
Avec AFP