Le chef de l’Etat sénégalais a poursuivi mardi ses efforts pour trouver un accord sur la date de la présidentielle, repoussée sine die, tandis que la société civile tentait de mobiliser pour que l’élection ait lieu dans les toutes prochaines semaines.
Le collectif Aar Sunu Election (« Préservons notre élection ») a appelé à une journée « villes mortes » et à une grève générale, alors que se poursuivent les concertations lancées la veille par le président Macky Sall pour sortir d’une des plus graves crises traversées par le pays depuis des décennies.
Le mot d’ordre a paru largement ignoré dans le quartier central du Plateau et autour du marché populaire de Colobane, à Dakar: circulation normale des transports en commun dans un trafic aussi dense qu’à l’accoutumée, foule habituelle autour des échoppes ouvertes…
Les cours ont été supprimés aux lycées John-Fitzgerald-Kennedy et Blaise-Diagne.
Mais Saer Dieng, commerçant de 37 ans, a ouvert son commerce de vêtements. « On vit au jour le jour, on ne peut pas se permettre de rester une journée sans travailler, sinon nos familles ne mangent pas ». Badara Dione, conducteur de moto-taxi de 40 ans, n’était même « pas au courant du mot d’ordre ». S’il déplore le report de la présidentielle, « une grève générale ne nous arrange pas ».
Aar Sunu Election « exige » du président qu’il fixe l’élection avant le 2 avril, fin officielle de son mandat. Aar Sunu fait partie d’un large front politique et citoyen qui s’est formé depuis que M. Sall a déclenché une onde de choc, le 3 février, en décrétant un report de dernière minute.
Ce front soupçonne le président de jouer la montre, soit pour avantager son camp parce que les choses se présenteraient mal pour lui à la présidentielle, soit pour s’accrocher au pouvoir au-delà du 2 avril.
M. Sall a invoqué les profondes dissensions causées par la validation des candidatures et la crainte qu’après les heurts meurtriers connus en 2021 et 2023, un scrutin contesté ne provoque une nouvelle poussée de fièvre dans un pays par ailleurs réputé pour sa stabilité dans une région troublée.
Des manifestations contre le report de la présidentielle, réprimées, ont fait quatre morts et donné lieu à des dizaines d’interpellations.
Le Conseil constitutionnel a mis son veto au report le 15 février. Mais les Sénégalais, qui ont toujours voté fin février depuis 1978, ignorent toujours quand ils éliront leur cinquième président, et même pour qui ils voteront.
– Calendrier resserré –
Le président à ouvert lundi à Diamniadio, ville nouvelle à une trentaine de kilomètres de la capitale, un « dialogue national » pour trouver un terrain d’entente. 17 des 19 candidats retenus en janvier par le Conseil constitutionnel ont boycotté les discussions, comme Aar Sunu Election et d’autres plateformes.
Deux commissions se sont réunies mardi. Elles livreront au président, a priori dans la soirée, des conclusions sur deux sujets: la date de la présidentielle, et l’organisation de l’après-2 avril jusqu’à l’investiture de son successeur.
« Une fois que je recevrai les conclusions, je déciderai de la date de l’élection », a dit M. Sall lundi soir sans préciser de délai.
Rien n’est ressorti qui indique que l’élection pourrait avoir lieu avant le 2 avril. M. Sall a dit souhaiter que les Sénégalais votent d’ici au début de la saison des pluies, en juin/juillet. Il a cité des facteurs compliquant une tenue rapide selon lui, comme le Ramadan début mars ou la fête religieuse du Daaka de Medina Gounass entre fin avril et début mai.
Les candidats qualifiés et Aar Sunu Election ont saisi le Conseil constitutionnel pour qu’il constate le manquement du chef de l’Etat à son devoir d’organiser l’élection. Ils s’inquiètent aussi que le « dialogue » serve à reprendre à zéro la validation des candidatures.
Le président a écarté l’éventualité que le Conseil constitutionnel se substitue à lui en déclarant que c’était à lui qu’il appartenait de déterminer la date. Pour lui, la date « n’est pas un problème ». En revanche, « la vraie équation c’est: est-ce qu’on va aller à l’élection avec seulement les 19 candidats (homologués) ou faudrait-il élargir la liste ? », a-t-il dit. Il a rencontré les représentants de deux collectifs rassemblant des dizaines de « recalés », écartés par le Conseil constitutionnel.
Certains parmi les quelques centaines de responsables politiques, représentants de la société civile et autres dignitaires religieux qui participaient aux discussions ont réclamé que M. Sall reste jusqu’à l’installation de son successeur, y compris au-delà du 2 avril.
Il n’en a pas exclu la possibilité, tout en répétant qu’il serait parti le 2 avril: « S’il y a consensus, je suis prêt, dans l’intérêt supérieur de la nation, à prendre sur moi et à rester encore même si ce n’est pas mon choix, ce n’est pas ce que je veux, parce que je suis pressé d’en finir et de partir ».
Avec AFP