Report des élections au Mali : certaines entités politiques rejettent la décision du gouvernement

Le gouvernement a annoncé un « léger report » de l’élection présidentielle prévue en février 2024
Le porte-parole du gouvernement malien, le Colonel Abdoulaye Maiga. Photo : Présidence du Mali

Le gouvernement a annoncé un « léger report » de l’élection présidentielle prévue en février 2024, sans préciser une date pour la tenue de ce scrutin mettant fin à la période transitoire. Une décision jugée unilatérale et qui viole le chronogramme établi communément entre les différentes parties, argue certains regroupements et coalitions politiques.

Le lundi, 25 septembre dernier, le porte-parole du gouvernement de la Transition a annoncé que les deux dates retenues pour la tenue du scrutin présidentiel « connaitront un léger report pour des raisons techniques » à travers un communiqué lu à la télévision d’État. Selon cette note écrite, le gouvernement s’engage à n’organiser seulement que l’élection présidentielle pour sortir de la transition. Alors que dans le chronogramme présenté à la fin du deuxième trimestre de 2022, figurait d’autres scrutins qui seront désormais organisés « sous les directives du nouveau Président de la République », indique le communiqué.

Une décision, rejetée et jugée unilatérale, par une frange des partis politiques maliens, qui exige du gouvernement de respecter ses engagements.

Fronde des politiques contre le report de l’élection présidentielle    

Au Mali, plusieurs partis politiques ont manifesté leur désapprobation de cette décision des autorités de reporter les dates de la présidentielle initialement prévue pour février prochain qui devait marquer le retour définitif des civils au pouvoir.

C’est le cas du mouvement hétéroclite qui a été à la base de la chute du régime de Ibrahim Boubacar Keita en 2020, le M5-RFP. Ce mouvement avait dénoncé, quelques jours après l’annonce du report par le gouvernement, de décision « unilatérale » et affirmait « l’impérieuse exigence de respecter les engagements » de la part des autorités. Même si ce mouvement contestataire divisé en plusieurs bases aujourd’hui, est revenu sur sa décision à travers une sortie virale de son porte-parole, Jeamille Bittar. A travers cette sortie, le M5-RFP adhère finalement à la décision du gouvernement de reporter les élections.

Pour sa part, La Ligue Démocratique pour le changement de Moussa Sinko Coulibaly, a manifesté sa « grosse déception » dans un communiqué publié le 26 septembre dernier. Elle « désapprouve et condamne sans équivoque cette tentative de prise en otage de la démocratie malienne ».

Le parti YELEMA, le changement en français, s’est insurgé car, pour lui, le report n’a fait l’objet d’aucun échange. Le parti « jaune-vert » a insisté sur le manque « d’anticipation » et « l’incompétence » des autorités et leurs refus de respecter leurs engagements.

Le regroupement politique à l’effigie du Bélier Blanc, le PARENA dira que l’organisation d’élections est une question de volonté politique. Il a réfuté dans sa note, certaines des raisons techniques martelées par le gouvernement pour se justifier, « ce report pouvait être évité ». Il « exhorte le gouvernement à éviter les méthodes solitaires et unilatérales ».

Dans le compte rendu de sa réunion du 18 octobre passé, le Cadre de Partis et regroupement politiques pour le retour à l’ordre constitutionnel, une coalition d’opposition a annoncé la reprise de ses activités. Il entend afficher une nouvelle dynamique au CADRE. Lors de cette table ronde, toutes les entités politiques composantes du CADRE ont manifestement rejeté le « report unilatérale par le gouvernement des élections et plus globalement de la remise en cause du chronogramme électoral devant marquer la fin de la transition politique et le retour à l’ordre constitutionnel normal ». Les responsables de ce large mouvement composé des partis politiques et des organisations de la société civile, ont exprimé leurs profondes préoccupations devant le silence du gouvernement et l’invite à convoquer une réunion urgente entre le cadre de concertation et le « Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation, (les) partis politiques et (la) société civile ».

La Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko (CMAS) avait, pour sa part, martelé ne plus « reconnaitre les autorités de la transition » à partir du 18 février 2024. Elle avait même annoncé son intention de battre le pavé le 13 octobre dernier, avant un report sine-die. Dans sa note d’information, elle a pris acte et condamné cette décision unilatérale des autorités de la transition qui « renvoie de facto à une autre prorogation de la transition. »

Et ces soutiens du report

A coté de ces partis politiques s’insurgeant contre le report des élections, il y’a beaucoup d’autres qui adhèrent à la démarche du gouvernement. Telle est la position du Parti Espoir pour la Démocratie et la République (EDR), issu de la scission de l’URD de feu Soumaila Cissé, l’Alliance pour la Refondation du Mali (AREMA) et le Mouvement Mali Espoir pour un lendemain meilleur « approuvent et soutiennent » la décision du report du scrutin présidentiel prise par les autorités de la transition. Une annonce faite lors d’une conférence de presse animée par les leaders du trois mouvements, ce 30 septembre dernier à la Maison de la Presse de Bamako.

« Des raisons techniques »

Selon Bamako, les « raisons techniques » énumérées pour justifier ce report sont des facteurs liés à l’adoption en 2023 d’une nouvelle constitution et la révision des listes électorales, mais également d’un litige avec une société française, IDEMIA. D’après les autorités maliennes, cette société françaises aurait « pris en otage la base de données du RAVEC, dont les lourdes conséquences » impactent la tenue du scrutin présidentiel en février 2024.

Dans la foulé de cette annonce du gouvernement malien, la société Idemia a réagi par un communiqué diffusé par l’Agence France presse, le 25 septembre dernier. Elle assure de l’inexistence de « litige en cours » avec les autorités maliennes et estime qu’il n’y a « plus de cadre contractuel en vigueur » entre le groupe et le ministère malien de l’administration territoriale et de la décentralisation, en « raison de non-paiement des factures. » Une facture de 5 milliards que le gouvernement malien lui devrait. De son coté, le gouvernement malien explique le non-paiement du reliquat de la somme due à Idemia par des irrégularités constatées dans la mise en œuvre de ce contrat.

A noter que l’organisation ouest-africaine, la CEDEAO qui avait engagé un sérieux bras de fer avec les autorités actuelles du Mali lors du premier report des échéances électorales en 2021, n’a pas encore réagi suite à cette décision du gouvernement malien.

Mohamed Camara / Malikonews.

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