Ba Dicko Maiga est une jeune femme entrepreneure. Promotrice de l’atelier de couture BADI Style, dont la mission principale est la valorisation des tissus locaux. Elle a été primée en mars dernier à travers l’Impact Awards dans la catégorie “Women Entrepreneurship, Leadership and program”. Une première consécration pour sa jeune carrière.
Cette large rue cahoteuse de Badialan, un quartier populaire de Bamako sombre dans un noir total en ce début de soirée. De la lumière “d’ampoules économiques” provient des boutiques disséminées aux alentours de cette rue animée par les cris d’enfants et le ronronnement envahissant des groupes électrogènes. Ce même bruit s’impose dans l’atelier Badi-Style, « c’est notre nouveau mode de vie maintenant » affirme Ba Dicko Maiga, souriante, pour nous accueillir. L’endémique coupure d’électricité qui frappe le Mali, impose cette nouvelle mode de vie partout dans le pays. « Nous pouvons faire souvent plus de 10 heures sans avoir le courant, c’est pénible de travailler dans ces conditions » nous fait savoir la promotrice de Badi-Style. Cette situation met à rude épreuve les finances de la jeune entreprise « presque toutes mes économies sont mises dans l’alimentation de ce groupe. Les clients ne comprennent pas quand nous essayons de faire un peu grimper les prix, nous sommes dans une période exceptionnelle ».
Passionnée de la mode
Enveloppée dans une longue robe rose, avec sa grande taille, cette diplômée en économie d’environnement durable à la Faculté des sciences économiques de Bamako – FSEG, manie les ciseaux sur les tissus. À la place du stylo de banquière.
Selon Ba Dicko, elle est entrée dans le monde de l’entrepreneuriat par passion, « Petite, j’étais passionnée de mode. Après mes deux premières années à l’université, j’ai eu la chance de faire des stages à la banque. À travers cette expérience, j’ai vite compris que ce n’était pas un endroit approprié pour moi. C’est là que j’ai réellement compris que mon monde se trouve derrière les machines à coudre ».
Après l’expérience de la banque, animée par le stress et l’anxiété, l’ex banquière échafaude au plus vite son projet d’embrasser le monde de la mode. Un univers qui lui passionne depuis l’enfance, c’est pourquoi elle débute des formations pratiques en 2020.
« Il voulait me voir travailler dans la banque »
« En 2020, je commence ma première formation de couture au niveau du Centre d’orientation professionnelle de coupe et de couture de Bamako. Ce qui a ouvert la voie à la création de ma petite entreprise de couture, Badi Style, en 2021 », dit-elle.
Elle est certifiée en entrepreneuriat et leadership féminins à travers « Women smart academy ». Elle est également membre de « YALI (Young African Leaders Initiative) » où elle faisait le programme « BE (Business and entrepreneurship) ».
À travers son atelier de couture, elle ambitionne aujourd’hui de faire la valorisation des tissus locaux du Mali, voire de toute l’Afrique, son cheval de bataille « mon plus grand challenge aujourd’hui est de faire adapter mes créations de nos tissus bogolan et autres aux styles modernes. C’est une manière pour moi de faire un brassage de ce qui est d’ailleurs à nos produits locaux. Je fais des modèles homme et femmes, même pour les enfants », martèle-t-elle.
Issu d’une famille modeste, son papa lui vouait un autre parcours qui n’était pas celui derrière les machines, « il voulait me voir travailler dans la banque, une vie dans l’administration quoi », a-t-elle expliqué en sourire.
Dans un pays patriarcal, le rêve d’une jeune femme, de gérer une entreprise est marqué par des épreuves. Et Ba Dicko ne fera pas exception. Pourtant, sa jeune carrière d’entrepreneur est animée de plusieurs participations aux salons artisanaux et de la mode, foire et autres espaces de promotion de jeunes talents dans le domaine de l’entreprenariat. Ellle a été honorée par un trophée de l’impact hub en mars dernier.
Jeune femme aux multiples casquettes
« Le manque de confiance en ta personne, le fait d’être une femme qui manage les hommes, est une difficulté psychologique de chez nous. Aussi on essaie toujours de te rendre inférieur. Pour être une femme entrepreneure à mon âge, ça demande la force et d’avoir un esprit tenace », précise-t-elle.
De toutes les manières, elle reste convaincue qu’« être entrepreneur c’est passionnant et stressant à la fois. Nous sommes confrontés à des soucis financiers, d’accompagnement. On est dans un pays où l’entrepreneuriat n’est pas du tout financé, mais on vit avec. »
Derrière la machine à coudre, Ba Dicko a plusieurs casquettes. Elle est assistante de direction dans une agence de formation et d’immobilier. Sur le plan associatif, elle est membre de plusieurs organisations de jeunes, dont la Jeune Chambre internationale universitaire Bamako Espoir, où elle est Secrétaire générale. Chargée de Communication du Bureau national des Alumnis YALI et Chargée de communication de l’Initiative pour le Développement communautaire.
Mohamed Camara / Malikonews.com