S’élevant contre ces « chiffres de la honte », Caminando Fronteras a critiqué le fait que les autorités espagnoles ou des pays d’origine de ces migrants privilégient le « contrôle migratoire » au « droit à la vie » de ces personnes recherchant une vie meilleure en Europe et ne donnent pas assez de moyens aux sauveteurs.
A titre de comparaison, un rapport de l’ONG, qui s’appuie sur les appels de détresse des migrants en mer ou de leurs familles, recensait l’an dernier 11.200 migrants morts ou disparus en tentant de rejoindre l’Espagne entre 2018 et 2022, soit six par jour en moyenne sur cette période.
L’Organisation internationale des migrations (OIM), qui s’appuie quant à elle sur des témoignages indirects et des articles de presse, a comptabilisé l’an dernier plus de 1.200 morts ou disparus sur les routes migratoires vers l’Espagne.
Mais cette organisation des Nations Unies souligne toutefois que ses chiffres sont « probablement » une sous-évaluation « considérable » de la réalité étant donné la difficulté à documenter ces naufrages et le fait que la majorité des corps ne sont pas retrouvés.
– Partis en premier lieu du Sénégal –
Ce bond des drames migratoires intervient alors que le nombre de migrants arrivés clandestinement en Espagne a presque doublé en 2023, à 56.852 personnes, en raison d’un afflux sans précédent dans l’archipel des Canaries, selon des chiffres publiés la semaine dernière par le gouvernement espagnol.
L’immense majorité des disparitions de migrants tentant de rejoindre l’Espagne (6.007 sur le total) est intervenue, selon Caminando Fronteras, sur la route migratoire extrêmement dangereuse entre les côtes du Nord-Ouest de l’Afrique et l’archipel espagnol des Canaries, dans l’océan Atlantique.
Les migrants effectuent cette traversée, l’une des plus mortifères au monde, sur plusieurs centaines de kilomètres et durant plusieurs jours ou semaines sur des embarcations de fortune bondées.
S’ils dérivent trop à l’ouest et manquent les Canaries ou s’ils ne sont pas repérés par les sauveteurs, ils sont condamnés au naufrage ou à mourir de faim, de soif ou d’hypothermie.
Selon l’ONG, les migrants disparus en tentant de gagner l’Espagne sont partis en premier lieu des côtes du Sénégal (3.176), pays confronté à plusieurs épisodes de troubles politiques meurtriers depuis deux ans et qui fait face actuellement à un flot de départs vers les Canaries.
L’ONG a recensé par ailleurs 611 morts ou disparus l’an dernier sur la route migratoire reliant le Maroc et l’Algérie aux côtes Sud de l’Espagne.
Elle a en outre comptabilisé 363 femmes et 384 enfants parmi l’ensemble des victimes de l’an dernier.
– 27.000 départs évités –
L’Espagne compte pour principal partenaire dans sa lutte contre l’immigration illégale le Maroc avec qui il a normalisé ses relations en 2022 au prix d’un revirement controversé sur le dossier sensible du Sahara occidental.
Mais Madrid a également accru sa coopération récemment avec le Sénégal ou la Mauritanie.
Le ministre espagnol de l’Intérieur a d’ailleurs salué jeudi ce travail en commun avec les pays d’Afrique de l’ouest qui a permis, selon lui, « d’éviter le départ de plus de 27.000 migrants » l’an dernier « dont nous avons sauvé les vies ».
Selon l’agence européenne Frontex, les migrants arrivés aux Canaries proviennent principalement du Maroc et du Sénégal mais aussi, dans une moindre mesure, de Gambie, Guinée et de Côte d’Ivoire notamment.
L’Espagne n’est souvent qu’une étape pour ces migrants en provenance d’Afrique, dont une bonne partie se dirige ensuite vers d’autres pays européens plus au nord, dont la France.
Avec AFP