Médias et écoles au Mali : introduire l’EMI dans les cursus scolaire et universitaire

Médias et écoles au Mali : introduire l’EMI dans les cursus scolaire et universitaire.©️DR

« L’éducation aux médias et à l’information (EMI) fournit un ensemble de compétences essentielles pour relever les défis du 21e siècle, notamment la prolifération de la désinformation et des discours de haine, le déclin de la confiance dans les médias et les innovations numériques, en particulier l’intelligence artificielle », selon l’Unesco (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) qui en fait une recommandation. Au Mali, beaucoup d’acteurs de la lutte contre la désinformation ainsi que de l’enseignement plaident ainsi, ces dernières années, pour l’introduction de l’EMI dans les cursus scolaire et universitaire.

Selon les données de la plateforme spécialisée Data Reportal, « il y avait 8,72 millions d’internautes au Mali en janvier 2025 » et « le taux de pénétration de l’Internet (dans le pays) était de 35,1 % de la population totale (24,8 millions) » pendant la même période.

Cette plateforme digitale spécialisée, qui fournit des informations à jour sur l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux à travers le monde, estime, au début de l’année, le nombre d’utilisateurs actifs des médias sociaux à « 2,20 millions d’identités » Quotidiennement enflammés, ils sont les outils de communication digitaux privilégiés de cette génération hyper-connectée. Chacun y va de son train. Les publications se multiplient de façon effrénée, et aucun sujet n’est épargné. Mais beaucoup ne savent pas qu’un simple « clic » peut créer l’irréparable. En plus, ils sont plus exposés à la désinformation, à la manipulation et aux discours de haine comme la xénophobie. D’où la nécessité de les former notamment au bon usage de ces outils, afin de pouvoir mieux juguler le déséquilibre médias-écoles.

« L’introduction officielle d’une éducation aux médias et à l’information s’impose au regard de la grande fonction éducative qui s’est vite imposée aux médias. Ainsi, pour bien juguler le déséquilibre “médias-écoles” qui pourrait y jaillir, il est essentiel de former les jeunes qui utilisent les médias comme sources pédagogiques (formation et information) », estime auprès de Doniblog Mohamed Kipsi, administrateur scolaire et enseignant des universités.

Un double avantage

Dans le contexte actuel du pays, où les médias se sont diversifiés en un clin d’œil, « on ne sait plus qui est qui, et qui fait quoi ? Les informations se propagent sans limites, et nos enfants ne savent rien du monde des médias. Donc il faut urgemment une politique qui puisse définir l’introduction de l’éducation aux médias et à l’information dans notre enseignement scolaire », abonde dans le même Aminata Diakité, mère d’élèves.

Pour Abdoulaye Guindo, enseignant et journaliste-blogueur, « l’éducation aux médias est une pratique éducative qui consiste à développer chez les apprenants — que ce soient les étudiants, les élèves ou les particuliers — des attitudes à pouvoir produire des messages, les diffuser, tout en ne commettant pas d’infractions ni de discours de haine, et en évitant de publier ou republier des désinformations. »

Autrement expliqué, cette pratique pédagogique a pour but global de former des modèles de citoyens qui puissent diffuser des messages critiques et responsables sur les médias. Des citoyens avertis qui puissent positivement utiliser les technologies d’information et de communication (Tic) pour publier des contenus en toute responsabilité.

Le pays est aujourd’hui, comme d’autres, à l’aube d’une “révolution” numérique caractérisée par un regain pour les réseaux sociaux, les blogs et d’autres canaux digitaux. Dans ce contexte, insiste M. Kipsi, il est essentiel « de former et d’informer les citoyens, en l’occurrence les plus jeunes exposés à la désinformation, aux “fake news”, à la manipulation, à la propagande, etc. » Il poursuit : « Mieux, les médias constituent aujourd’hui une partie intégrante de la vie socioprofessionnelle à laquelle l’école les prépare. Ils participent à la vie de toutes les organisations : les entreprises, les institutions publiques et parapubliques, les associations, etc. En outre, l’éducation aux médias peut être un levier stratégique dans la socialisation des apprenants. »

Toutes les alertes encouragent l’introduction de l’EMI (éducation aux médias et à l’information) à l’école malienne. « Tous nos enfants sont détenteurs de téléphones, et tous les jours, ils commettent des infractions ou se font prendre aux pièges de l’utilisation des réseaux sociaux », signale M. Guindo. Pour lui, cette intégration a un double avantage : « En plus d’éduquer les enfants dès le bas âge à l’utilisation responsable de ces médias sociaux, à la diffusion responsable d’informations, cela va aussi permettre d’avoir des citoyens qui comprennent l’enjeu qui est derrière la production et la diffusion d’informations via les nouvelles technologies. »

Implication attendue des autorités

Pour y donner corps, chacun sollicite l’implication des autorités, tout en alertant. « Nos autorités doivent être le porte-étendard d’une introduction de l’éducation aux médias dans nos écoles. En effet, c’est l’un des meilleurs investissements sur lequel l’État puisse compter pour avoir demain des citoyens conscients et responsables. Notre pays reste particulièrement confronté à une crise multidimensionnelle qui nous expose davantage aux méfaits de la désinformation, des tensions communautaires et des manipulations », plaide l’administrateur scolaire Mohamed Kipsi, et également enseignant des universités.

« Nous avons constaté aujourd’hui que les plus grandes victimes de la mauvaise utilisation de ces nouvelles technologies sont les apprenants aux niveaux fondamental, secondaire et universitaire. Actuellement, tous les jeunes maliens ont un téléphone de système Android », fait observer Abdoulaye Guindo, aussi coordinateur de la plateforme malienne Benbere, qui dispose d’une cellule dédiée à la lutte contre la désinformation (BenbereVerif).

Pour étayer ses propos, ce formateur en techniques de fact-checking et au bon usage des réseaux sociaux cite le rapport 2025 de Data Reportal. Ce document, consulté par l’équipe de Doni Check, renseigne qu’« au total, 23,4 millions de connexions mobiles cellulaires étaient actives au Mali au début de 2025, ce chiffre équivalant à 94,2 % de la population totale. Toutefois, il convient de noter que certaines de ces connexions ne peuvent inclure que des services tels que la voix et les SMS, et que d’autres peuvent ne pas inclure l’accès à l’internet. »

La frange importante de la population étant arithmétiquement jeune, poursuit M. Guindo, « la moitié de ces utilisateurs sont également des jeunes, surtout des élèves et étudiants qu’il faut former aux enjeux de l’éducation aux médias. C’est quoi une information ? C’est quoi un fait ? Et c’est quoi une opinion ? Quelle est la différence entre une information et une opinion ? Également, quels sont les types d’information que tu peux produire ou diffuser ? Qu’est-ce qu’il ne faut pas partager et aimer ? Quel genre de discours peut être considéré comme infraction… » Quand les enfants apprennent à différencier ces éléments du langage médiatique dès le bas âge, cela permettra d’avoir des citoyens responsables et connectés.

Guindo précise, par ailleurs, que « ce message s’adresse principalement aux autorités qui doivent être les porteurs politiques de ce projet. C’est une décision politique d’introduire l’éducation aux médias et à l’information (EMI) dans les cursus scolaire et universitaire : décider d’introduire l’EMI au niveau scolaire, et former des spécialistes qui viendront enseigner ces modules, notamment pendant les cours d’informatique… »

Tout considéré, les acteurs de la lutte contre la désinformation et de l’école malienne, contactés par l’équipe de Doniblog, plaident, chacun en ce qui le concerne, pour l’introduction de l’EMI dans les cursus scolaire et universitaire au Mali pour maintes raisons (sus-exposées). Et l’implication des autorités est, par conséquent, fortement attendue pour ce faire.

Mohamed Camara

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