Mali : pluie de réactions politiques suite à la suspension sine die des activités des partis politiques

Le ministre de l’administration territoriale, le colonel Abdoulaye Maïga. © Présidence de la république

Les autorités maliennes ont suspendu jusqu’à nouvel ordre les activités des partis politiques et des associations à caractère politique, par un décret adopté lors du conseil des ministres de ce mercredi 10 avril. Selon le porte-parole du gouvernement, cette mesure se justifie par des raisons d’ordre public et sécuritaire ainsi que le dialogue inter-malien qui se profile déjà à l’horizon. Face à cette décision, plusieurs figures politiques ont réagi contre cette décision qu’ils qualifient de « répressive », le Haut-commissariat de l’Onu va jusqu’à demander l’abrogation “immédiate” de ce décret de suspension, et la CNDH a affiché, de son côté, sa grande inquiétude face à la poursuite de « la tendance systémique de restriction de l’espace civique et politique » au Mali.

Les activités des partis politiques et des associations à caractère politique sont déjà mises en sourdine au Mali, depuis ce mercredi. Une décision qui a surpris plusieurs observateurs, à un moment où le débat se fortifie autour de la fin de la transition, et le dialogue purement malien, dont les phases  communales commencent dès ce week-end.

Les partis, regroupements de partis et organisations de la société civile signataires de la déclaration du 31 mars 2024, ont annoncé leur « stupéfaction » dans un communiqué datant du 11 avril, suite à « la décision des autorités en place, de suspendre les activités des Partis Politiques et des activités à caractère politique des associations, en violation des Constitutions de 1992 et de 2023 et des lois encore en vigueur au Mali, notamment la Charte des partis politiques et la loi modifiée relative aux associations ». Avant d’attirer l’attention sur « le fait que ces atteintes graves aux libertés démocratiques sont sans précédent dans l’histoire du Mali depuis la chute de la dictature militaire du Général Moussa TRAORÉ »

La quarantaine de partis politiques qui avaient notifié la fin de la transition, fin mars, ont regretté, tour à tour, qu’au moment où « le chef de l’État en appelle à tous les maliens, pour participer à un dialogue dit inter-maliens, on puisse suspendre les activités des partis et activités à caractère politique des associations, qui constituent un pan indispensable dans l’animation de la vie politique et publique, conformément aux textes de loi pertinents en la matière ». Et aussi, des « allégations infondées qui ont servi de justification fallacieuse à cette décision liberticide et tyrannique par les autorités en place ». Le contingent des partis politiques et organisations de la société civile, s’opposant désormais aux autorités de la transition, ont rejeté le décret de suspension, et ont affirmé qu’ils l’attaqueront devant les juridictions nationales et internationales, mais aussi qu’elles ne participeront, dans ces conditions, à aucune activité organisée « par le gouvernement, y compris le soi-disant dialogue inter-maliens »

L’inquiétude et demande d’abrogation du décret

Dans la foulée, la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH), a déconseillé aux autorités des « atteintes à certaines libertés fondamentales, notamment les libertés d’association, d’opinion et d’expression », dans son communiqué rendu public ce 11 avril. Après avoir rappelé des dissolutions et suspensions récentes de certains partis politiques et associations, par le gouvernement.

L’Institution Nationale des droits de l’Homme a notamment rappelé « les responsabilités de l’État sur la protection des citoyens, et sur la garantie des libertés fondamentales dont la liberté d’opinion, d’association, conformément à la réglementation, en tout temps, en tout lieu et en toute circonstance » ; et attiré l’attention des autorités sur le fait que « l’exercice des droits civiques et politiques ci-dessus évoqués constitue l’essence d’un Etat démocratique respectueux des droits de l’Homme ». Elle a également invité à la fin de son communiqué, les populations, les hommes de médias et les utilisateurs de réseaux sociaux à s’abstenir des propos incitatifs à la haine et à la violence.

De son côté, le haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a demandé ce 11 avril, à Bamako « d’abroger immédiatement » la suspension des activités des partis politiques.

« Nous sommes profondément préoccupés par le décret suspendant les activités des partis politiques et autres associations civiques. Il doit être immédiatement abrogé » a indiqué le Haut-Commissariat sur le réseau social X.

D’autres réactions

« Il est encore temps de stopper la catastrophe qui vient », a vivement réagi, l’ancien chef du gouvernement de IBK, en exil, Boubou Cissé, dans une publication sur sa page Facebook ce jeudi soir.

Il a notamment estimé qu’en décidant « de mettre un coup d’arrêt aux activités politiques des citoyens dans tout le pays, les autorités prennent le risque d’aggraver une situation déjà précaire. Il est impératif de revenir sur cette décision et de restaurer le dialogue politique véritable au sein du peuple malien ».

« Le décret de suspension des activités des partis politiques, en plus de représenter le summum du mépris pour le peuple malien, son histoire et sa culture, est en soi un acte de la haute trahison qu’aucun fait ne saurait justifier », a estimé Housseini Amion Guindo, le patron du parti CODEM, dans un post Facebook. Il a également lancé « un vibrant » appel à l’ensemble des composantes de la société malienne, à résister à « cette ignominie et enclencher une désobéissance civile jusqu’à la chute du régime »

Mohamed Camara / ©️ Malikonews.com

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