Une vaste opération nationale d’expulsion des occupants des bâtiments appartenant aux chemins de fer du Mali a démarré le dimanche 26 mai 2024. Aux premières heures de la journée du dimanche, les bâtiments de la cité des chemins de fer, de Bamako, ont été la cible d’une mesure d’expulsion, sous une forte escorte des forces de l’ordre. L’équipe a d’abord mis le cap sur “Rail-Da”, à la cité des chemins de fer, aux alentours de l’hôpital Gabriel Touré. Elle a visé les occupants qui sont majoritairement des cheminots retraités, et des ayants droit de cheminots décédés. Certains occupants, par crainte de voir leurs biens endommagés, ont procédé volontairement à la libération des bâtiments. Les autres ont été délogés manu militari.
« C’est une véritable tragédie pour nous. Après des années de service et de chômage, nous nous retrouvons dans la rue », s’est plaint un cheminot retraité. Ces familles, composées de retraités des chemins de fer et de leurs ayants droit, ont été délogées des domiciles qu’elles occupaient depuis plusieurs décennies.
Cette expulsion coïncide avec une affaire judiciaire autour de cette question des bâtiments des cités des chemins de fer, dont le dossier n’a pas encore été entièrement traité. Les avocats des cheminots ont en effet fait appel, contestant ainsi la décision initiale d’expulsion. Selon eux, l’opération de dimanche viole le droit des retraités à une procédure judiciaire complète et équitable. « L’appel a été relevé, ce qui signifie que la décision n’est pas définitive. L’expulsion de ce matin est donc prématurée et injuste », avait déclaré l’un des avocats de la défense, le matin de l’expulsion.
Ce qui est avéré, c’est que depuis 2022, la direction de Sopafer Mali SA – la Société de patrimoine ferroviaire du Mali – a notifié par voie d’huissier aux occupants des logements de la cité des cheminots, de libérer les lieux. Les occupants ont attaqué cette décision de la Sopafer en justice et ont été déboutés. Le conseil des occupants des logements fera appel de la décision.
Que dit la loi ?
La législation du pays stipule qu’un logement de fonction doit être libéré une fois que le salarié part à la retraite. Pourtant, en ce qui concerne cette situation, de nombreux cheminots retraités continuent d’occuper ces logements, arguant de « l’absence de solutions alternatives et de la reconnaissance de leurs années de service. » La situation est encore plus complexe pour leurs ayants droit, qui revendiquent leur droit à rester dans les logements, invoquant “des décennies d’attachement familial et communautaire à ces lieux.”
« Les gens sont logés dans cette cité des rails depuis près de 43 ans, et l’état les avait fait croire que les logements appartiennent déjà à ces cheminots et à leurs héritiers. Mais depuis deux ans, il y a les services des affaires économiques qui veulent réhabiliter ces lieux pour en faire des immeubles, en complicité avec l’État », nous a confié, un habitué de la cité. Avant d’expliquer que « cette structure s’est arrangée avec l’État pour mettre la pression sur les cheminots, afin de les expulser par la force ».
Selon un résident de la cité, « ils sont venus manu militari pour faire sortir les gens des logements, il ya une famille dont le père (un cheminot retraité) est décédé l’année dernière, pourtant on avait fait croire à cette famille que le logement leur appartient, même après le décès de leur papa. Mais, ils sont venus les expulser par la force, le dimanche matin, la plupart des occupants ne savaient même pas où aller » « Mais où va le pays, venir expulser les gens sans préavis, sans dédommagement de leurs arriérés qui sont avec l’Etat », se demande t-il.
A rappeler que cette opération d’expulsion de grande envergure concerne les zones des chemins de fer de Koulikoro, Bamako et Kayes.
Mohamed Camara / Malikonews.com