Des groupes armés du nord du Mali ont revendiqué mardi une offensive contre l’armée à Bourem, une ville clé dont ils ont dit avoir pris le contrôle au moins provisoire mais où la situation restait confuse.
Aucun commentaire n’a été obtenu de la part des autorités maliennes sur cette opération qui confirmerait les craintes de reprise des hostilités entre ces groupes armés et l’Etat central, et de fin de l’accord de paix signé en 2015.
De rares éléments remontant de cette zone reculée reflètent une situation confuse sur le terrain. Des témoignages font état d’une intervention de l’aviation malienne et d’une reprise de contrôle par l’armée.
Le Cadre stratégique permanent (CSP), une alliance de groupes armés qui avaient signé un accord de paix avec l’Etat malien en 2015, a indiqué avoir mené une opération sur la ville garnison de Bourem qui « s’est soldée par le contrôle du camp et des différents postes avancés » des forces armées maliennes et de leur allié du groupe paramilitaire russe Wagner.
Il y a eu « d’intenses combats », a dit le porte-parole du CSP, Mohamed El Maouloud Ramadane.
« Les groupes armés non-identifiés avaient encerclé le camp, et tournaient en ville, mais les avions ont réagi contre eux. On n’entend plus de tirs, les FAMA (Forces armées maliennes) sont dans la ville partout en nombre », a dit un habitant joint par téléphone, Mahamoud Ould Mety.
Une telle opération de la part des groupes signerait la faillite de l’accord de paix signé en 2015 par une alliance de groupes armés à dominante touareg entrés en rébellion contre l’Etat central en 2012, par le gouvernement et par des groupes armés loyalistes.
Après des semaines de tensions grandissantes, un des signataires de l’accord dit d’Alger, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), avait indiqué lundi soir se considérer dorénavant en « guerre » avec la junte qui a pris le pouvoir par la force à Bamako en 2020.
Le CSP a dit mardi agir en état de « légitime défense face aux provocations des terroristes de l’armée malienne accompagnés de la milice Wagner ».
Bourem est un noeud près du fleuve Niger et sur la route entre Tombouctou et Gao et vers Kidal, fief touareg, plus au nord.
– Escalade –
Les tensions n’ont cessé de croître depuis des mois entre le CSP et la CMA d’une part et la junte de l’autre, faisant redouter la reprise des hostilités engagées en 2012.
Des insurrections indépendantistes et salafistes avaient alors plongé ce pays pauvre et enclavé dans une profonde crise sécuritaire, politique et humanitaire dont il n’est toujours pas sorti.
Si les groupes à dominante touareg ont accepté un cessez-le-feu en 2014, les jihadistes ont poursuivi le combat contre l’Etat central et toute présence étrangère sous la bannière d’Al-Qaïda et de l’organisation Etat islamique. La propagation jihadiste a gagné le centre du pays, le Burkina Faso et le Niger voisins.
Dans les vastes étendues désertiques ou semi-désertiques du nord, ainsi que les régions de Tombouctou et Gao, les rivalités se sont intensifiées ces dernières semaines entre la multitude d’acteurs armés se disputant le contrôle du territoire: groupes jihadistes contre armée malienne, groupes jihadistes entre eux, groupes armés touareg contre jihadistes, et groupes touareg face à l’armée malienne.
Elles ont donné lieu à une succession d’attaques, d’incidents sécuritaires et d’accrochages entre l’armée et la CMA.
Cette escalade coïncide avec une reconfiguration sécuritaire dans le Nord après le départ de la force antijihadiste française en 2022 et celui, en cours, de la mission de l’ONU (Minusma), toutes deux poussées vers la sortie par la junte.
La CMA n’entend pas que la Minusma rétrocède ses camps aux autorités maliennes, comme elle l’a fait en août à Ber, près de Tombouctou. Elle estime qu’en vertu des arrangements de 2014 et 2015, ces zones devraient revenir sous son contrôle.
La junte a fait du rétablissement de la souveraineté un de ses mantras, un objectif qui se heurte aux différents groupes armés, qui contrôlent de vastes étendues de territoire.
Avec AFP