Mali : des divergences d’opinions sur la fin de la transition

Mali : des divergences d’opinions sur la fin de la transition. © DR

Plusieurs partis politiques et organisations de la société civile ont évoqué la fin de la transition au Mali, depuis le 26 mars et ont affirmé que le pays se trouve dans « un vide juridique ». Ces organisations politiques formant déjà un front qui exige la tenue des élections, ont brandi un décret signé par le chef de la transition qui fixait la fin de cette période au 26 mars 2024. Alors que des soutiens du régime estiment que ce décret est « inopérant », argumentant avec certains articles de la charte de la transition révisée, qui évoque la fin de la transition à l’élection du nouveau président. 

Le débat s’enflamme partout entre ceux qui estiment que la transition est déjà terminée et les partisans du régime, qui évoquent la continuité de la dynamique en cours. Pour le moment, les autorités ont préféré garder le silence face à cette situation politique. Pourtant jusqu’à présent le décret n°2022-0335/ PT-RM du 06 juin 2022, fixant le délai de la transition à 24 mois n’a pas été abrogé. 

Dans un éditorial du journal l’Essor, le quotidien national ou encore des membres du conseil national de transition (CNT) estiment que la charte de la transition promulguée il y a près de quatre ans, en septembre 2020, prévoit que la transition ne prend fin qu’après l’élection d’un nouveau président. La nouvelle constitution promulguée en juillet dernier « ramène également au fait électoral », assurent certaines voix au CNT.  

Par ailleurs des partis, regroupements politiques et organisations de la société civile, réunis au sein d’une coalition dénommée « Forum des forces du changement » (FFC), ont rappelé que le décret fixant la fin de la transition au 26 mars 2024 «est inopérant». Cette coalition a affirmé que ce décret n’est rien d’autre que le fruit d’une négociation politique avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Juridiquement, le FCC dirigé par Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, a aussi mis en avant, l’article 22 de la charte révisée qui selon lui, « est très clair et stipule que la transition prend fin avec l’élection du président de la République organisée par les autorités de la transition. »

En outre, le président du parti Front africain pour le développement et membre du CNT, Nouhoum Sarr, a de son côté, rappelé « les articles pertinents de la nouvelle constitution qui n’évoquent aucun délai ». M. Sarr, a même estimé que ce débat de la fin de la transition n’aurait donc pas lieu d’être et ne serait mis en avant que « par les ennemis du régime, voire une instrumentalisation de certaines puissances étrangères », il a aussi qualifié la sortie de plus d’une quarantaine de partis politiques et organisations de la société civile, « d’un spectacle politique »  

Le président du FCC a également soutenu que « la loi fondamentale dans son article 190 dispose que jusqu’à la mise en place d’une nouvelle institution, les institutions établies continuent d’exercer leurs fonctions et attributions». Pour lui, il n’y a pas de vide juridique.

Dans cette déclaration, le FCC a noté que politiquement, le président de la transition, dans le souci d’organiser les élections dans les meilleurs délais, avait pris l’option d’organiser uniquement l’élection présidentielle. «Rien ne l’obligeait à faire ce choix si ce n’est ce désir de sortir de la transition rapidement», a expliqué le FCC qui a invité la classe politique à respecter sans condition la constitution qui a déjà ouvert la voie de la 4ème république depuis juillet 2023. 

Un front de plus de 40 partis politiques

La transition a été ouverte avec la chute du régime IBK en août 2020 et prolongée à deux reprises, selon le décret n°2022-0335/ PT-RM du 06 juin 2022, sa durée s’est officiellement achevée le 26 mars. Dans une déclaration commune, la quasi-totalité des partis, regroupements politiques et d’organisations de la société civile, avaient rappelé cet état de fait et avaient demandé l’organisation de la présidentielle dans « les meilleurs délais ».

Ces regroupements avaient affirmé avoir constaté un vide juridique et institutionnel. Ils avaient également évoqué, la nécessité de créer les conditions d’une concertation rapide et inclusive. Ils avaient, en outre, exprimé le besoin de la mise en place d’une architecture institutionnelle, pour mieux organiser, en effet, dans les meilleurs délais l’élection présidentielle. Pour y parvenir, la quarantaine d’organisations politiques et de la société civile ont indiqué qu’ils « utiliserons toutes les voies légales et légitimes, pour le retour du pays à l’ordre constitutionnel normal et dans le concert des nations, gage de la stabilité politique et du développement durable » En vue de sa concrétisation, ils ont décidé de mettre en place, un comité de suivi de la présente initiative.

Par ailleurs, cette déclaration est intervenue après l’introduction d’une requête du magistrat, Mohamed Chérif Koné au nom de la référence syndicale des magistrats (REFSYMA) et de l’association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP). Cette requête est déposée auprès de la cour constitutionnelle aux fins de constatation de vide institutionnel pour vacance de la présidence de la transition militaire et déchéance de ses organes et de mise en place d’une transition civile de mission. La cour constitutionnelle est la seule entité légitime qui peut trancher ce débat autant technique que politique, même si beaucoup affichent leur doute sur l’indépendance de cette institution juridictionnelle du pays. 

Les organisations ont sollicité, la cour, pour « éviter le pire à notre nation », et lui demande de « constater et déclarer comme vacante à partir du 27 mars 2024, la présidence de la transition dirigée par le colonel Assimi Goita », de « prononcer la déchéance des organes de la transition notamment le gouvernement et l’organe législatif de la transition », et « d’ordonner l’ouverture d’une nouvelle transition à vocation de rassemblement et réconciliation incluant toutes les composantes de la nation, y compris l’armée, républicaine, avec comme missions principales assignées l’organisation des élections en vue du retour à l’ordre constitutionnel ».

 

Mohamed Camara / ©️ Malikonews.com

 

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