Les Casques bleus quittent le Mali mal aimés ou mal compris

Les Casques bleus
Les Casques bleus quittent le Mali mal aimés ou mal compris. Crédit photo Minusma
Les Casques bleus de la Minusma quittent le Mali sur un constat d’échec pour les uns, d’impuissance pour les autres, une divergence qui traduit dix années de malentendu sur la mission confiée par l’ONU.

Une demande malienne au départ

La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali a été créée en 2013 à la demande des autorités maliennes dans un pays fracturé par une offensive jihadiste partie du nord en 2012. Elle a pris le relais d’une mission sous conduite africaine.

« L’arrivée de la Minusma a permis de rassurer les populations maliennes, notamment dans le nord, à Gao, Tombouctou, Kidal », et « elle a donné des perspectives au jeunes, qui ont pu trouver des emplois salariés », estime le sociologue malien Bréma Ely Dicko.

Les Casques bleus sécurisent le déploiement des ONG et assurent avec leurs avions et leurs convois routiers une jonction nord-sud essentielle.

La mission « a permis de maintenir une résilience économique et sociale » dans un nord bouleversé, dit Marc-André Boisvert, chercheur affilié au Centre FrancoPaix à Montréal.

Elle « n’apportait pas une solution pérenne, mais elle jouait un rôle de tampon en attendant qu’on règle des problèmes qui n’ont jamais été réglés », dit-il.

Un mandat contesté

Le mandat assignait à la Minusma d’appuyer l’application d’un important accord de paix avec les séparatistes du nord (non jihadistes); d’aider à stabiliser le centre, autre foyer de la violence; et de protéger les civils et les droits humains.

Or ce mandat a été en inadéquation avec les réalités évolutives du terrain, note Marc-André Boisvert.

La façon dont la mission a été perçue « a changé quand la violence s’est rapprochée de Bamako, et que la Minusma s’est révélée incapable de l’endiguer, faute de moyens adaptés », dit-il.

« Le mandat de la Minusma, malgré tous les efforts, n’a jamais été très bien compris, particulièrement dans le sud », souligne-t-il.

La mission n’avait pas vocation à mener des opérations offensives contre les jihadistes.

Des chefs d’Etat ouest-africains ont régulièrement réclamé un mandat plus vigoureux.

« Nos mandats, principalement concentrés sur la protection des civils, suscitent des attentes que nous ne pouvons satisfaire, en raison de nos capacités, de notre budget, du terrain, des contraintes logistiques », reconnaissait en novembre Jean-Pierre Lacroix, chef des casques bleus de l’ONU.

Mais sans la Minusma, « dans la plupart des cas, (la situation) serait probablement bien pire », disait-il.

Le tournant de la junte

L’accession au pouvoir des militaires en 2020, puis l’arrivée de la société de sécurité russe Wagner en 2021, coïncidant avec l’éviction de la force antijihadiste française et le départ d’un certain nombre de partenaires étrangers, a accentué la pression sur la Minusma.

Elle a été ciblée par des campagnes de désinformation orchestrées par des soutiens du régime. Les officiels l’ont vilipendée en public, jusqu’à ce que le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop réclame le départ de la mission « sans délai » devant le Conseil de sécurité de l’ONU.

Dans un récent entretien, Jean-Pierre Lacroix déplorait que des frustrations aient pu être « manipulées ».

La question des droits humains

La défense de ces droits était inscrite dans le mandat de la Minusma. Un travail que la Minusma était seule à mener dans des localités isolées, mais qu’appréciaient peu les parties au conflit.

La Minusma a été vivement critiquée par le gouvernement français pour avoir publié un rapport accusant l’armée française d’avoir tué par erreur 19 civils dans le village de Bounti (centre) en janvier 2021.

La Minusma dénonçait régulièrement les exactions des forces maliennes en même temps que celles des groupes jihadistes, provoquant la colère de la junte qui démentait systématiquement de tels agissements et criait à « l’instrumentalisation ».

La querelle a culminé avec la publication en 2023 d’un rapport accablant qui accusait l’armée malienne et des combattants « étrangers » d’avoir exécuté au moins 500 personnes à Moura (centre) en mars 2022.

Plaidoyer

La mission a clos son déploiement lundi en abaissant le drapeau des Nations unies sur son quartier général à Bamako. Avec plus de 180 membres tués dans des actes hostiles, la Minusma est la mission de l’ONU la plus durement touchée ces dernières années.

Ses responsables ont défendu sa postérité ces derniers jours. « L’action n’a pas été parfaite », a dit son chef El Ghassim Wane, « mais je pense que la présence de la mission a aidé à protéger de nombreuses populations là-bas (…) Nous avons joué un rôle important dans la promotion du genre. Nous avons joué un rôle extrêmement important en ce qui concerne le renforcement des capacités locales dans le domaine des droits de l’Homme ».

Avec AFP

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