Le prix Nobel de littérature 2023 a été décerné jeudi au dramaturge norvégien Jon Fosse, pour son oeuvre « novatrice » qui a donné une « voix à l’indicible », selon le jury.
L’Académie suédoise a distingué l’écrivain âgé de 64 ans, « pour ses pièces de théâtre et sa prose novatrices qui ont donné une voix à l’indicible ».
Né le 29 septembre 1959 à Haugesund en Norvège, Jon Fosse est un écrivain touche-à-tout d’un accès peu facile pour le grand public. Il fait pourtant partie des auteurs vivants dont les pièces de théâtre sont les plus jouées dans le monde.
Quand Jon Fosse a appris la nouvelle, « il roulait dans la campagne, en direction du fjord au nord de Bergen en Norvège », a dit le secrétaire perpétuel de l’Académie suédoise, Mats Malm.
« J’ai été surpris quand ils ont appelé mais en même temps pas trop », a déclaré l’écrivain de 64 ans à la chaîne publique norvégienne NRK.
« Je me suis prudemment préparé au fait que cela pourrait se produire ces dix dernières années. Mais croyez-moi, je ne m’attendais pas à avoir le prix aujourd’hui même s’il y avait une chance », a-t-il dit au téléphone.
Fosse a émergé comme dramaturge sur la scène européenne grâce à sa pièce de théâtre écrite en 1996 « Quelqu’un va venir », popularisée lorsqu’elle a été mise en scène par Claude Régy en 1999 à Paris. Son roman « La Remise à bateaux » (1989), lui gagne l’estime de la critique.
– « oeuvre immense » –
Il grandit dans un milieu d’inspiration piétiste avec un grand-père Quaker, pacifiste et gauchiste à la fois. Un piétisme dont le jeune Fosse s’éloigne, préférant se dire athéiste et jouer de la guitare dans un groupe, Rocking Chair, avant finalement d’embrasser la foi catholique sur le tard, en 2013.
Après des études littéraires, il fait ses débuts en 1983 avec « Rouge, Noir », un roman où un jeune homme règle ses comptes avec le piétisme. Le style, marqué par de nombreuses projections dans le temps et une alternance des points de vue, deviendra sa marque de fabrique.
« Son œuvre immense, écrite en nynorsk (l’une des formes écrites de la langue norvégienne, ndlr) et couvrant une grande variété de genres, se compose d’une multitude de pièces de théâtre, de romans, de recueils de poésie, d’essais, de livres pour enfants et de traductions », a estimé le jury.
« C’est par sa capacité à évoquer (…) la perte d’orientation, et la façon dont celle-ci peut paradoxalement donner accès à une expérience plus profonde, proche de la divinité, que Fosse est considéré comme un novateur », a détaillé Anders Olsson, président du comité Nobel pour la littérature.
Comme son illustre prédécesseur de la littérature nynorsk Tarjei Vessas, Fosse conjugue de fortes attaches locales, tant linguistiques que géographiques, avec des techniques artistiques modernistes, souligne le jury.
Son oeuvre, qui rappelle celle du prix Nobel Samuel Beckett dont il est un grand admirateur, partage la vision pessimiste de ses prédécesseurs, dont Thomas Bernhard et Georg Trakl, selon la biographie de Jon Fosse publiée par l’Académie.
Son dernier coup de maître, « Septologien » (non traduit) – sept chapitres répartis en trois volumes – exploite la rencontre d’un homme avec une autre version de lui-même pour soulever des questions existentielles avec, comme toujours, une ponctuation parcimonieuse et imprévisible.
La dernière fois qu’un Nobel de la littérature a été attribué à un Norvégien remonte à 1928, lorsque l’écrivaine Sigrid Undset l’a obtenu. Jon Fosse est le quatrième Norvégien à obtenir le prestigieux prix.
L’an dernier, la récompense était revenue à Annie Ernaux, auteure française d’une oeuvre racontant l’émancipation d’une femme aux origines modestes, devenue icône féministe.
Avec AFP