Selon le constat des équipes de l’AFP, les opérations de vote ont ensuite débuté cahin-caha à Goma, Bukavu, Beni, Lubumbashi ou Tshikapa, avec des retards et dysfonctionnements plus ou moins importants.
« Si d’ici 30-45 minutes on ne peut pas entrer, je vais partir! On est fatigués. Chez nous c’est le désordre, toujours », s’impatiente en plein soleil, dans la cour d’une école, un homme d’une trentaine d’années qui attend depuis 3 heures l’ouverture du bureau de vote « Institut Zanner » à Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu.
Les électeurs s’attendaient à des retards, courants en République démocratique du Congo et susceptibles d’être aggravés par des difficultés d’acheminement du matériel électoral jusque dans les zones reculées.
Mais c’est semble-t-il à Kinshasa même que les retards parmi les plus importants vont être enregistrés.
Les horaires prévus d’ouverture des bureaux étaient de 06H00 à 17H00 locales. Mais au vu des retards au démarrage, la clôture du vote interviendra sans doute bien plus tard.
« Je suis là depuis 05H00 du matin, je suis fatiguée, j’ai mal à dos. A cette allure, on risque de finir à 23H00 », peste Germaine Kikongo, une fonctionnaire de 67 ans, rencontrée après 08H00 dans un centre de vote de Lingwala, commune du centre de Kinshasa.
Près de 44 millions d’électeurs inscrits, sur un total d’environ 100 millions d’habitants, sont appelés à élire leur président, mais aussi leurs députés nationaux et provinciaux et, pour la première fois, leurs conseillers communaux. Autre première, des Congolais de la diaspora doivent voter dans cinq pays.
Plus de 100.000 candidats sont sur les rangs pour les quatre scrutins. Le président de la Commission électorale (Céni), Denis Kadima, a promis la « transparence » du processus, avec un suivi « en temps réel » de la compilation des résultats.
– « Un changement » –
Plusieurs missions d’observation des élections sont déployées.
Avec 25.000 personnes, celle des églises catholique et protestante est la plus grande et ses avis et conclusions sont traditionnellement très suivis. Ses animateurs ont promis un « dépouillement parallèle » pour la présidentielle.
A cette élection à un seul tour, Félix Tshisekedi, 60 ans, au pouvoir depuis début 2019, est candidat à un second mandat face à 18 autres postulants. Son bilan est mitigé, ce qu’il reconnaît, mais il demande cinq ans de plus pour « consolider les acquis ».
Tout au long de la campagne, il a aussi vilipendé les supposés « candidats de l’étranger », en laissant entendre qu’ils n’étaient pas assez « patriotes » face aux « agressions » dont il accuse en particulier le voisin rwandais.
Son principal challenger, Moïse Katumbi, 58 ans, riche homme d’affaires et ancien gouverneur de la province minière du Katanga (sud-est), a été particulièrement ciblé par ses attaques.
La période pré-électorale a été empoisonnée par la situation sécuritaire dans l’est, où les violences armées en cours depuis le milieu des années 1990 connaissent un pic de tension depuis deux ans, avec la résurgence de la rébellion du M23 soutenue par Kigali.
Les combats se sont calmés depuis une dizaine de jours, mais les rebelles continuent d’occuper de vastes pans de territoire du Nord-Kivu, dans lesquels les habitants seront privés de vote.
Dans le nord de la même province en revanche, à Beni, les électeurs n’avaient pas pu voter à la présidentielle en 2018 à cause de l’insécurité mais peuvent le faire cette fois. Lucie Zawadi, cultivatrice de 42 ans, se dit très contente d’avoir pu « remplir (son) devoir ». « Ces élections vont apporter un changement », espère-t-elle.
Parmi les autres candidats à la présidentielle figurent Martin Fayulu, 67 ans, qui affirme que la victoire lui avait été volée à l’élection de 2018, et le Dr Denis Mukwege, 68 ans, prix Nobel de la paix pour son action en faveur des femmes violées, connu dans le monde mais novice en politique.
Les opposants estiment que le vote ne sera pas transparent et soupçonnent le régime d’avoir préparé la fraude de longue date en plaçant ses hommes à la tête de la Céni ou de la Cour constitutionnelle.
L’ONU et l’Union européenne se sont inquiétées des « discours de haine » et, de même que les Etats-Unis, ont appelé à des élections « transparentes » et « paisibles ».
Avec AFP.