Israël a ordonné vendredi l’évacuation sous 24 heures vers le sud de « tous les civils » de la ville de Gaza, une mesure condamnée par l’ONU et rejetée par le Hamas, au septième jour de sa guerre contre ce mouvement islamiste palestinien que le Premier ministre israélien a promis d' »écraser ».
Depuis le début des hostilités, déclenchées le 7 octobre par une attaque sanglante du Hamas, au moins 1.200 personnes, en majorité des civils, ont été tuées en Israël.
Le Hamas détient depuis environ 150 otages, dont 13, « incluant des étrangers », ont été tués dans des frappes israéliennes sur Gaza, a-t-il annoncé vendredi. Les frappes israéliennes massives lancées en riposte sur l’enclave palestinienne ont fait 1.537 morts, dont de nombreux civils, selon les autorités locales.
L’armée israélienne « ordonne l’évacuation de tous les civils de la ville de Gaza de leurs domiciles vers le sud, pour leur propre sécurité et protection », a-t-elle annoncé vendredi à l’aube, dans une escalade de sa riposte.
Les civils devront « se rendre dans le secteur au sud du Wadi Gaza », un ruisseau situé au sud de la ville de Gaza, a-t-elle ajouté. « Vous ne serez autorisés à retourner dans la ville de Gaza que lorsqu’une autre annonce le permettant sera faite », a-t-elle précisé.
« Notre peuple palestinien rejette la menace des dirigeants de l’occupation et ses appels à quitter leurs maisons et à fuir vers le sud ou l’Egypte », a réagi vendredi le Hamas dans un communiqué.
A New York, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Stéphane Dujarric, a confirmé que l’armée israélienne avait informé l’organisation de cet ordre, qui concerne selon lui environ 1,1 million d’habitants du nord de la bande de Gaza, près de la moitié de la population totale de l’enclave.
– « Conséquences dévastatrices » –
Mais une évacuation d’une telle ampleur est « impossible sans provoquer des conséquences humanitaires dévastatrices », a-t-il averti.
Dans ces circonstances, « les Nations Unies appellent fortement à ce que cet ordre (…) soit annulé pour empêcher de transformer ce qui est déjà une tragédie en une situation calamiteuse », a-t-il insisté.
L’ambassadeur d’Israël à l’ONU, Gilad Erdan, qualifié de « honteuse » la réponse de l’ONU « à l’alerte préalable d’Israël », dans un message envoyé à l’AFP. Il a accusé l’ONU d’avoir « fermé les yeux face au Hamas ».
L’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a pour sa part annoncé vendredi le transfert de son centre d’opérations et de son personnel vers le sud de la bande de Gaza.
Jeudi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait promis, à l’issue d’un entretien à Tel-Aviv avec le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, d’anéantir le Hamas, au pouvoir depuis 2007 dans l’enclave palestinienne et classé « terroriste » par les Etats-Unis et l’Union européenne.
« Tout comme l’EI a été écrasé, le Hamas sera écrasé », a affirmé M. Netanyahu en référence au groupe Etat islamique.
Le 7 octobre à l’aube, au dernier jour des fêtes juives de Souccot, des centaines de combattants du Hamas ont infiltré Israël à bord de véhicules, par les airs et la mer, pour tuer plus d’un millier de civils dans la rue, chez eux ou en plein festival de musique, semant la terreur sous un déluge de roquettes.
Cette attaque d’une extrême violence a sidéré le pays et traumatisé survivants et secouristes.
– Effondrement –
Dans la ville de Sdérot, proche de la frontière avec Gaza, Yossi Landau, un bénévole de l’organisation de secours israélienne Zaka, dit avoir été témoin d’une violence qu’il n’avait jamais vue.
Pendant que les combats faisaient rage, « un tronçon de route qui aurait dû prendre 15 minutes nous a pris 11 heures parce que nous sommes allés chercher tout le monde et les avons mis dans des sacs », raconte cet homme de 55 ans.
« J’ai senti que je m’effondrais, pas seulement moi, mais toute mon équipe », se souvient-il.
Après l’attaque, l’armée a affirmé avoir récupéré les corps de 1.500 combattants du Hamas infiltrés.
Des centaines de personnes sont encore portées disparues et des corps en cours d’identification.
Dans sa riposte, l’armée israélienne a annoncé jeudi avoir largué sur la bande de Gaza environ 6.000 bombes pour un total de 4.000 tonnes d’explosifs depuis samedi.
– Déplacés –
Dans l’enclave palestinienne, le fracas des explosions, des drones et autres déflagrations est incessant, de jour comme de nuit.
L’armée israélienne a indiqué avoir ciblé dans la nuit de jeudi à vendredi 750 « cibles militaires » dont des « résidences de terroristes de haut rang utilisées comme centres de commandement militaire ».
Des « frappes massives » ont notamment ciblé le camp d’Al-Shati, le plus grand de la bande de Gaza, selon des journalistes de l’AFP sur place.
« Pourquoi? On n’a rien fait! », hurlait la veille un homme en regardant des brancardiers emmener le corps sans vie d’une proche, tout juste sorti des décombres dans un quartier bombardé.
Plus de 423.000 Palestiniens ont du quitter leurs domiciles dans la bande de Gaza pour fuir les bombardements, selon l’ONU, qui a lancé un appel d’urgence aux dons à hauteur de 294 millions de dollars.
L’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) accueille environ 64% de ces déplacés dans 102 de ses établissements.
Jeudi, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a exhorté les Gazaouis à se montrer « inébranlables » et « rester sur leur terre », alors que les appels se multiplient pour que l’Egypte autorise un passage sécurisé pour les civils en provenance de l’enclave.
L’Egypte, qui appelle à la retenue de part et d’autre, s’oppose à l’idée de laisser les Palestiniens fuyant la guerre entrer sur son territoire.
– Boire de l’eau de mer –
Mais dans la bande de Gaza, territoire pauvre et exigu soumis depuis 2007 à un blocus terrestre, aérien et maritime, les 2,4 millions d’habitants sont privés d’approvisionnements en eau, en électricité et en nourriture, coupés par Israël.
« L’unique centrale électrique de la bande de Gaza s’est trouvée à court de carburant et a cessé de fonctionner, coupant la seule source d’électricité » de l’enclave dont la plupart des habitants « n’ont plus accès à l’eau potable », a rapporté le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha).
Selon cette organisation, un réservoir d’eau et une usine de dessalement ont été touchés par des frappes aériennes.
« L’Unicef a indiqué que certains ont commencé à boire de l’eau de mer, très salée, et contaminée par 120.000 m3 d’eaux usées non traitées chaque jour », ajoute le texte.
Outre les bombardements, l’armée israélienne a déployé des dizaines de milliers de soldats autour de l’enclave et à la frontière avec le Liban, pays depuis lequel le Hezbollah pro-iranien, allié du Hamas, lance régulièrement des roquettes contre Israël.
– Blinken en tournée –
Pendant sa visite-éclair en Israël, Antony Blinken a dit avoir discuté « des moyens de répondre aux besoins humanitaires des habitants de Gaza afin de les protéger, tandis qu’Israël mène ses opérations de sécurité légitimes pour se défendre contre le terrorisme et tenter de faire en sorte que cela ne se reproduise plus jamais ».
« Nous serons toujours à vos côtés », a-t-il assuré à M. Netanyahu.
Un message convoyé également par le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, venu lui aussi à Tel-Aviv vendredi pour rencontrer notamment M. Netanyahu, et le ministre de la Défense, Yoav Gallant.
En Jordanie, où il est arrivé dans la nuit de jeudi à vendredi, Antony Blinken doit rencontrer le roi Abdallah II et le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Il est ensuite attendu au Qatar, en Arabie saoudite, en Egypte et aux Emirats arabes unis.
Le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir vendredi pour aborder la situation à Gaza. Une première réunion du Conseil, le 8 octobre, n’avait abouti à aucune condamnation unanime de l’attaque du Hamas.
Avec AFP