Des victimes du génocide des Tutsi au Rwanda et deux associations ont saisi la justice administrative à Paris dans l’espoir de faire condamner l’Etat français pour des « fautes » qu’il aurait commises en 1994, a-t-on appris auprès des requérants.
Selon eux, il s’agit de la première action de ce type après plusieurs échecs devant la justice pénale.
La requête, déposée en avril, a été signée d’une vingtaine de victimes ou témoins du génocide et par deux associations, selon des documents consultés par l’AFP.
« L’attitude de l’Etat français de 1990 à 1994 au Rwanda relève d’un système d’erreurs manifeste d’appréciation et de fautes lourdes de service tout aussi systémiques », soutient le représentant des requérants, Philippe Raphaël, cité dans un communiqué.
« La responsabilité de l’Etat français doit être engagée pour illégalité, faute, carences fautives, fautes de service, fautes non dépourvues de tout lien avec le service », notamment parce que l’Etat « n’a pas dénoncé le traité d’assistance militaire de 1975 à un gouvernement rwandais génocidaire », avance la requête.
Celle-ci cible Hubert Védrine, l’ancien secrétaire général du palais présidentiel français au moment du génocide, et plusieurs militaires, en particulier l’amiral Jacques Lanxade, chef d’état-major des armées en France en 1994. Ce dernier aurait, selon les requérants, « outrepassé ses pouvoirs » et « modifié l’équilibre des pouvoirs au profit du militaire » »
La requête vise également l’opération militaire controversée Turquoise lancée par la France en juin 1994 et qui a fait l’objet par la justice pénale en 2022 d’un non-lieu, contesté par les parties civiles.
Dans cette enquête, les parties civiles accusaient la France de « complicité de génocide » pour avoir, selon eux, sciemment abandonné pendant trois jours les civils tutsi réfugiés dans les collines de Bisesero, laissant se perpétrer le massacre de centaines d’entre eux par les génocidaires, du 27 au 30 juin 1994.
Mais selon les magistrats, les investigations n’ont pas établi la participation directe des forces militaires françaises à ces exactions pas plus que leur complicité.
La requête administrative s’appuie en outre sur le rapport d’une commission d’historiens, basé sur l’analyse d’archives françaises inédites, qui a conclu aux responsabilités « lourdes et accablantes » de la France et mis en cause le président d’alors François Mitterrand et son entourage, « aveuglés idéologiquement ».
Ce rapport avait toutefois écarté toute « complicité » de génocide de la France.
Selon l’ONU, les massacres au Rwanda ont fait plus de 800.000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement au sein de la minorité tutsi.
Avec AFP