France-Maroc : un réchauffement économique pour apaiser le froid diplomatique

France-Maroc : un réchauffement économique pour apaiser le froid diplomatique. © DR
Avant le réchauffement diplomatique, le frémissement économique: la France veut renforcer sa relation commerciale avec le Maroc, un partenaire incontournable du Maghreb avec qui les relations ont été affectées par la question du Sahara occidental.

L’heure est « au rebond de la relation », a affirmé jeudi le ministre délégué au Commerce extérieur Franck Riester à Casablanca, quelques semaines après une visite en février du chef de la diplomatie française Stéphane Séjourné.

Un rebond en plusieurs temps: des visites des ministre de l’Economie Bruno Le Maire et de l’Agriculture Marc Fesneau sont aussi attendues avant la fin du mois.

« Renouer le dialogue économique » était l’objectif principal de la visite de M. Riester, a souligné une source diplomatique, après des années de brouille liée à l’épineux dossier du Sahara occidental qui n’a pas terni pour autant la relation économique entre les deux pays.

– Des liens économiques puissants –

Les échanges entre Paris et Rabat ont atteint un record de 14 milliards d’euros l’an dernier, et la France est le premier investisseur étranger au Maroc avec la quasi-totalisé des entreprises du CAC 40 représentées et 1.000 filiales françaises.

Le Maroc est lui le premier investisseur africain en France, avec un stock d’investissements directs passé de 372 millions d’euros en 2015 à 1,8 milliard en 2022.

La relation « est particulièrement dense », résume la source diplomatique française.

Le Maroc est aussi le premier destinataire des financements de l’Agence française de développement (AFD) dans le monde, selon la direction générale du Trésor.

« Des deux côtés on observe un certain pragmatisme pour tenter de réchauffer les relations à travers la coopération économique », souligne auprès de l’AFP Brahim Oumansour, directeur de l’Observatoire du Maghreb au centre de recherche Iris, d’autant que les récentes crises internationales ont rappelé l’importance de chaînes de production proches et fiables.

– Aéronautique, énergie, eau, ferroviaire… –

« Le Maroc est un partenaire particulièrement intéressant pour la France » de ce point de vue, observe la source diplomatique, mettant en avant l’opportunité d’avoir une base arrière solide sur un territoire ayant ces dernières années mis l’accent sur l’industrialisation notamment dans l’aéronautique et l’automobile.

Carole Delga, la présidente de la région Occitanie, berceau d’Airbus, pointait dans une interview en 2023 qu' »un emploi créé au Maroc, c’est 1,5 emploi créé en Occitanie ». « Cela nous permet d’être concurrentiel sur le marché de l’aéronautique », a-t-elle expliqué au site Actu.fr.

La France voit aussi d’un bon oeil l’effort que mettent les Marocains dans leurs secteurs de l’énergie, de l’eau, du ferroviaire, et de la santé, alors que Rabat a lancé une réforme de son système de santé.

Elle est prête à investir au Sahara occidental, a déclaré jeudi Franck Riester, une ancienne colonie espagnole, contrôlée en majeure partie par le Maroc mais revendiquée par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l’Algérie.

Proparco, filiale de l’AFD dédiée au secteur privé, pourrait contribuer au financement d’une ligne haute tension entre Dakhla (sud du Sahara occidental) et Casablanca, a indiqué M. Riester.

– Contexte diplomatique compliqué –

A Rabat, Stéphane Séjourné avait affirmé avoir « choisi » le Maroc pour sa première visite au Maghreb en tant que nouveau chef de la diplomatie française. Il avait alors réitéré le soutien « clair et constant » de Paris au plan d’autonomie marocain du Sahara occidental.

Or, les experts rappellent que pour le Maroc, la question de la reconnaissance de la « marocanité » du Sahara reste incontournable pour une pleine réconciliation avec Paris.

Tout en disant espérer que l’accent économique mis en avant par la France soit « perçu positivement » par le Maroc, la source diplomatique juge qu’il « contribue à la bonne volonté française sans modifier la position française ».

Par ailleurs, l’annonce mi-mars par Emmanuel Macron d’une visite d’Etat en France du président algérien Abdelmadjid Tebboune à l’automne a clairement signalé que renouer les relations avec Rabat ne signifiait pas renoncer à se rapprocher d’Alger, avec qui le Maroc entretien un désaccord profond sur le Sahara occidental.

Outre le volet économique, d’autres facteurs pourraient contribuer au rapprochement entre la France et le Maroc, relève Brahim Oumansour, comme la question migratoire et l’enjeu sécuritaire, « au moment où la France perd de l’influence en Afrique » après plusieurs coups d’Etats au Sahel.

Avec AFP

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