A Soweto, le président Cyril Ramaphosa, 71 ans, très souriant, a assuré une nouvelle fois que la victoire du Congrès national africain (ANC) ne faisait « aucun doute ».
Le chef du premier parti d’opposition (DA), John Steenhuisen, a lui évoqué une ère nouvelle soulignant qu’avant, à chaque élection, « il allait de soi que l’ANC allait gagner, on se demandait seulement avec quel score ». Enfin le pays a « l’opportunité d’un changement », a-t-il ajouté.
Les Sud-Africains doivent choisir parmi une cinquantaine de listes, à la proportionnelle, pour élire 400 députés ainsi que les assemblées des neuf provinces du pays.
Quelques bureaux ont ouvert avec retard dans la matinée, a regretté la commission électorale à la mi-journée mais aucun incident significatif n’a été rapporté.
Les bureaux resteront ouverts jusqu’à 21 heures (19H00 GMT) et les résultats définitifs ne sont pas attendus avant le weekend. Le Parlement élira ensuite le prochain président courant juin.
– « Rien pour nous » –
A Soweto, lieu symbolique de la lutte contre l’apartheid, Agnes Ngobeni, grand-mère de 76 ans, a voté « pour le parti que j’aime, celui qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui », faisant peu de mystère de sa loyauté à l’égard de l’ANC. « Mon vote comptera encore aujourd’hui ».
« Je veux du changement », tranche Danveries Mabasa, 41 ans et sans emploi. « Cela fait longtemps qu’on l’attend. On n’a pas de boulot, pas d’eau, rien ne fonctionne ».
L’ANC, « on vote pour eux mais ils ne font rien pour nous », râle aussi Jeffrey Benzane 75 ans, qui tourne le dos pour la première fois au parti de Nelson Mandela.
Nkateko Maranele, 29 ans, qui ouvre sa boutique de vêtements un peu plus loin, s’indigne de l’absence des jeunes, touchés à 45,5% par le chômage, dans les bureaux de vote. « Ils attendent le changement depuis leur lit? »
A Nkandla, en pays zoulou (Est), Nokuthobeka Ngcobo, 26 ans, a pourtant accordé avec enthousiasme son bulletin au petit parti mené par l’ancien président Jacob Zuma, convaincue qu’il peut « changer les choses ».
Dumisani Khanyile, la vingtaine, vote pour la première fois. Il espère que son choix aidera à « aplanir nos difficultés » et repart fier, le pouce teinté d’encre indélébile.
– Fin de l’hégémonie de l’ANC –
Ce scrutin est « sans aucun doute le plus imprévisible depuis 1994 », relève l’analyste politique Daniel Silke.
En raison d’une désillusion croissante à l’égard de l’ANC, liée à une économie morose et aux nombreux scandales corruption, le parti dominant doit se préparer à « un résultat potentiellement inférieur à 50% ».
Il serait alors contraint de former une coalition pour se maintenir au pouvoir, vers le centre libéral ou alors sur sa gauche, ce qui déterminera « l’orientation future » du pays.
Si le score de l’ANC est meilleur qu’annoncé, à savoir juste sous les 50%, il lui suffira de quelques parlementaires issus de petits partis pour maintenir sa ligne générale.
La participation a baissé au fil des quinquennats, passant de 89% en 1999 à 66% aux dernières élections en 2019.
Face à une opposition morcelée, l’ANC devrait demeurer le premier parti au Parlement, où il compte actuellement 230 sur 400 députés.
Mais sa « puissance » liée à son aura d’ancien mouvement de libération, s’affaiblit. « Cela crée bien sûr des opportunités » pour le pays, relève encore M. Silke, mais promet « dans l’intervalle un avenir immédiat instable et imprévisible ».
L’Alliance démocratique (DA), qui se propose de « sauver l’Afrique du Sud » et notamment son économie, pourrait rafler environ 25% des voix, estiment les sondages.
Mais la plus grande menace pour l’ANC pourrait provenir du petit parti (MK) mené par Jacob Zuma, qui pourrait séduire jusqu’à 14% des électeurs, capitalisant sur les déçus du parti au pouvoir.
Avec AFP